Manger moins de viande est une priorité climatique !

Si l'impact de la viande sur le réchauffement climatique est souvent remis en cause, réduire notre consommation est pourtant essentiel à la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Par Oliver Taherzadeh, University of Cambridge; Benedict Probst, University of Cambridge
(Crédits : Reuters)

Nous y revoilà. Bjorn Lomborg, cet universitaire danois devenu mondialement célèbre grâce à son best-seller L'Écologiste sceptique (2004), est à nouveau monté au créneau, le 22 octobre dernier dans une tribune au New York Post, contre les excès de l'imminente dictature verte qui nous menace. Sa nouvelle crainte : que l'on nous prive de burgers !

Oui, vous avez bien lu. Aux yeux de Lomborg, « les Nations unies vont finir par dicter aux gens ce qu'ils doivent manger ».

Anticonformisme médiatique

Provocateur bien connu à la tête du think tank « Consensus de Copenhague », Lomborg s'est d'abord fait remarquer dans les années 2000 pour une série d'attaques virulentes contre le courant dominant de l'écologisme. Argumentant que le climat changeait, mais moins dramatiquement que beaucoup l'affirmaient, il remettait en cause l'urgence d'agir. Il avait aussi déclaré que la déforestation n'existait pas et que les extinctions d'espèces étaient largement surestimées.

Lomborg navigue entre une pensée libérale mesurée et un déni pur et simple, en détournant ou en décontextualisant les données statistiques qu'il utilise. S'il s'attire les foudres de la plupart des scientifiques, Lomborg jouit encore malgré tout d'une large audience.

C'est la raison pour laquelle ses positions anticonformistes sur l'alimentation et le changement climatique drainent une telle attention. Cela vaut donc la peine de répondre à ses arguments.

Réductions des émissions

Lui-même végétarien, pour des raisons relatives au bien-être animal, Lomborg affirme que « les articles suggèrent presque tous unanimement que devenir végétarien permettrait des réductions d'émissions de gaz à effet de serre de 50 % ou plus ». Or, selon lui, ces prévisions sont exagérées et personne n'a assez pris le temps de « creuser plus profondément » la question.

En tant que chercheurs qui analysons les impacts environnementaux, nous sommes pleinement conscients des limites que présentent les études sur « l'empreinte carbone de l'alimentation » et du danger de les prendre au pied de la lettre.

Creusons donc ces affirmations.

Prenons la revue de littérature sur laquelle s'appuie Lomborg, avançant que devenir végétarien ne diminue les émissions individuelles que de 5 % et non de 50 %. S'il a raison de préciser qu'éliminer la viande de son alimentation est loin de diviser par deux l'empreinte carbone d'une personne, il existe toutefois de bonnes raisons d'affirmer que cela peut la réduit deux fois plus que Lomborg le prétend.

Déforestation et consommation de viande

D'une part, seules deux des études apparaissant dans sa revue analysent l'effet majeur de la consommation de viande sur les émissions issues de la déforestation ; et ce quand bien même des millions d'hectares de forêt sont éliminés chaque année pour satisfaire l'appétence mondiale pour le bœuf. Les forêts agissant comme un puits de carbone, et les fermes bovines émettant des quantités considérables de gaz à effet de serre (du méthane tout particulièrement), la production de viande a sans aucun doute un impact colossal sur les émissions nettes.

La consommation de viande implique nécessairement de la déforestation ; son empiétement sur les sols naturels est donc inévitable. Par conséquent, nous devons tenir compte des émissions de cette déforestation à l'heure de mesurer l'impact environnemental provoqué par la consommation de viande.

En prenant le scénario le plus réaliste parmi les études citées par Lomborg, devenir végétarien entraîne une réduction d'au moins 10 % de nos émissions individuelles. Cela équivaut à retirer 8 millions de voitures de la circulation au Royaume-Uni - soit un quart des automobiles britanniques.

Remplacer le steak par les carottes

Qu'en est-il du deuxième argument de Lomborg ? Pour l'auteur danois, l'argent économisé par les végétariens en remplaçant leur « steak par des carottes » serait réaffecté à d'autres dépenses, ayant elles-mêmes un impact environnemental. Ce mécanisme compenserait donc négativement les bénéfices obtenus par l'abandon de la viande.

En creusant cette affirmation, nous avons découvert que l'article auquel il se réfère repose sur des données de 2006 et ne tient pas compte des émissions issues de la réaffectation des terres, après la déforestation. Effectuée en Suède, cette analyse microéconomique se penche sur la façon dont les consommateurs dépenseraient les économies qu'ils réaliseraient s'ils devenaient végétariens.

L'auteur avertit lui-même que la portée de son travail doit être « interprétée dans un cadre temporel relativement étroit », et que ses hypothèses de marché concernant l'offre, les prix et la demande, si elles s'avéraient irréalistes, mèneraient à des conclusions complètement différentes.

Lomborg extrapole pourtant les résultats de l'étude, allant à l'encontre des précautions prises par l'auteur, cela afin de minimiser les conséquences du végétarianisme sur les émissions de gaz à effet de serre dans les pays industrialisés.

Aberration socio-environnementale

Chez Lomborg, il ne s'agit clairement pas simplement d'environnement, mais avant tout de notre liberté de choisir. L'auteur donne la priorité au droit à manger de la viande, par rapport à notre responsabilité collective de ne pas le faire. À ses yeux, beaucoup des plus pauvres sur la planète sont des végétariens involontaires. Notre devoir, estime-t-il, est donc de soutenir leur « droit à la viande ».

Les États les plus pauvres réclament pourtant l'adoption à l'échelle mondiale d'une alimentation végétale. La mortalité liée aux AVC, aux maladies cardiaques, au diabète et au cancer pourrait chuter pour être diminuée d'un million chaque année. Et des billions de dollars seraient économisés en coûts de santé et gains de productivité.

En réalité, produire de la viande s'avère terriblement inefficace, puisque le rendement des animaux se révèle bien inférieur à la nourriture qu'ils consomment. Si nous cultivions pour la consommation humaine et non pour nourrir les animaux, nous augmenterions de 70 % les calories alimentaires disponibles, ce qui permettrait de nourrir 4 milliards de personnes en plus. Nous éradiquerions donc la faim dans le monde en réduisant les émissions.

Lomborg résume ainsi son argument : « Le changement climatique est à la fois banalisé et entravé par l'exagération de son importance, et par l'idée idiote selon laquelle nos actions peuvent transformer la planète ».

Affirmer que nous ne pouvons rien faire contre le réchauffement climatique est profondément défaitiste. Et ce défaitisme climatique n'est rien d'autre qu'un nouveau climatoscepticisme. Pour Lomborg, les solutions sont avant tout technologiques ; or des mesures efficaces existent déjà ! Et si Lomborg sait bien que les consommateurs auront détruit la planète avant d'avoir croqué dans des burgers conçus en laboratoire, brandir la viande artificielle comme solution lui permet d'ignorer les décisions qui s'imposent à nous.

Nous avons besoin d'un changement systémique, et notre futur climatique est aujourd'hui entre nos mains. La seule contribution significative de Lomborg contre le réchauffement est peut-être de préférer les carottes aux steaks...

The Conversation _______

La version originale de cet article a été publiée en anglais.

Par Oliver TaherzadehPhD Researcher, Department of Geography, University of Cambridge et Benedict ProbstPhD researcher at Cambridge Centre for Environment, Energy and Natural Resource Governance, University of Cambridge

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 28
à écrit le 08/08/2019 à 20:56
Signaler
bientôt ils font nous interdire de pPT au sait jamais ça peu polluer l air.. je suis contre la pollution mais la c est du grand n importe quoi. qu on commence déjà a taxer les pays pollueur avant d interdire n importe quoi de plus c est américain a b...

à écrit le 13/11/2018 à 19:15
Signaler
Cet article se base sur des prémisses fausses pour en déduire des carabistouilles. Il n'y a aucune priorité climatique, contrairement à ce que l'on veut nous faire croire, car, depuis le début des années 2000, il n’y a plus de réchauffement global, s...

à écrit le 11/11/2018 à 10:05
Signaler
Selon cette théorie Il faudra arrêter de se reproduire car on petes et ça produit du gaz à effet de serre ! On va vider les océans pour manger du poisson à la place de la viande ! Encore du navet !!!!

le 12/11/2018 à 15:53
Signaler
Ben, oui, la surpopulation est aussi une menace environnementale. Après, cela pose des questions éthiques, économiques (les bras sont la richesse dans de nombreux pays), mais oui. Quant aux océans, qu'on arrête la viande ou pas, ils seront vides. ...

à écrit le 11/11/2018 à 6:13
Signaler
Lomborg est nul. Il faut effectivement préférer les végétaux à la viande. Facile à comprendre et à faire. Beaucoup de gens mangent trop de viande et c'est mauvais pour leur santé.

à écrit le 10/11/2018 à 23:20
Signaler
Tous ces calculs paraissent biaisés par l'idéologie écolo. Ils ne prennent pas en compte l’oxygène produite par les pâturages qui disparaîtraient s'il n'y avait pas d'élevage et la fixation du carbone qui en résulte. La viande, c'est 99% d'eau qui es...

le 12/11/2018 à 11:16
Signaler
La fixation du carbone, c'est avant tout par les arbres, pas par les pâturages. Essayez de chauffer votre maison avec du foin, vous allez voir que c'est moins performant qu'un arbre. La transformation de tous les pâturages en foret (inenvisagable évi...

à écrit le 10/11/2018 à 18:36
Signaler
Il y en a marre de tous ces ayatollahs de la pensée unique, de la bien-pensance, du comment se déplacer, du comment manger, du comment dépenser son argent, du comment réduire sa consommation d'eau et de tout,... Bientôt du comment respirer. Mais en m...

à écrit le 10/11/2018 à 17:08
Signaler
Restreignons l'utilisation de facebook, de twitter, d'instagram et de gmail ! Ces "services" exploitent des centres informatiques qui stockent des quantités énormes de données parfaitement insignifiantes en garantissant leur accessibilité à tout ...

à écrit le 10/11/2018 à 13:39
Signaler
Qu'est-ce que manger de la viande, si ce n'est s'attaquer à des carcasses de cadavres ? Les charognards et les nécrophages font exactement la même chose. CQFD

le 10/11/2018 à 16:48
Signaler
Manger des carottes c'est pareil. Vous détruisez un organisme pour vous en nourrir.

à écrit le 10/11/2018 à 13:13
Signaler
Le méthane émis par les animaux qui ruminent, il est censé être 25 fois plus nuisible que le CO2 en effet de serre, mais à persistance moindre, sans doute pour ça qu'on voit des chiffres élevés en contribution. Parait que certaines graines ou additif...

le 11/11/2018 à 19:50
Signaler
La culture mécanisée produit également du CO2. Pour produire 100 kg de blé il faut 12.5 l de gasoil pour faire tourner les machines.... on peut toujours faire à la main mais je laisse ça aux doux réveurs qui n'ont jamais tenu une bêche ou une faux...

à écrit le 10/11/2018 à 11:39
Signaler
Manger moins et manger mieux, oui et vite svp. Le problème est que l'avidité de l'agro-industrie nous ayant mené à la situation alimentaire et climatique chaotique actuelle, nous avons des extrémistes qui se sont construits à l'opposé. Pas aussi ...

le 11/11/2018 à 20:04
Signaler
Je ne sais pas trop où est la dignité du gibier qui se traine sur des centaines de mètres en agonissant et poursuivi par un chien qui le harcèle. Ce n'est pas toujours le cas mais ça arrive, comme arrivent des cas de torture animale dans les abattoi...

le 12/11/2018 à 9:36
Signaler
"Je ne sais pas trop où est la dignité du gibier qui se traine sur des centaines de mètres en agonissant et poursuivi par un chien qui le harcèle." Cela arrive mais tout arrive. "comme arrivent des cas de torture animale dans les abattoirs." ...

à écrit le 10/11/2018 à 11:07
Signaler
D'après un récent rapport de la FAO que personne ne peut taxer d'être "alternative", "… l'élevage est responsable de 18 % des émissions de gaz à effet de serre, soit plus que les transports...". En outre, toujours selon les données officielles qui os...

le 10/11/2018 à 11:45
Signaler
Un gros bovin peut boire jusqu'à 100 l d'eau par jour, mais il en urine 80 et en transpire 20...Bilan au bout de la journée.... Zéro. Idem pour le fourrage. Tout ce qu'il consomme ressort sous forme de fertilisant naturel. On commence à avoir d...

le 11/11/2018 à 9:16
Signaler
Merci de votre réponse qui aurait été un peu plus intéressante si vous y connaissiez quelque chose et si vous ne racontiez pas n'importe quoi. Etre un viandard primaire, avec les neurones intoxiqués par les protéines animales est une chose; raconter ...

le 11/11/2018 à 10:46
Signaler
Et revoila ce serpent de mer de la consommation d'eau animale .A ça impresionne et c'est fait pour impressionner ces volumes d'eau !Mais l'eau n'est pas comme le petrole qui s'épuise au fur et à mesure qu'on en consomme .L'eau est immuable sur terre ...

le 11/11/2018 à 20:30
Signaler
Vous illustrez à merveille mon propos sur l'hystérie vegan... Je ne suis pas sûr de devoir vous en remercier.

à écrit le 10/11/2018 à 10:34
Signaler
nos écolos commencent sérieusement a polluer le pays

à écrit le 10/11/2018 à 10:34
Signaler
nos écolos commencent sérieusement a polluer le pays

à écrit le 10/11/2018 à 10:21
Signaler
Des carottes bio ? venant d'où ? La viande rouge, comme tout, en quantité modérée, n'est pas nuisible. Les prétentions d'un certain nombre de gourous qui soi-disant savent tout et veulent régenter tous les aspects de notre vie quotidienne deviennent ...

le 10/11/2018 à 12:14
Signaler
Encore faudrait-il que votre viandasse ait un minimum de qualité. Et ce n'est certainement pas pas la barbaque industrielle, intoxiquée aux substances toxico-chimiques qui peut être, comme vous le dites, "pas nuisible". A quelque quantité que ce soit...

le 10/11/2018 à 12:14
Signaler
Encore faudrait-il que votre viandasse ait un minimum de qualité. Et ce n'est certainement pas pas la barbaque industrielle, intoxiquée aux substances toxico-chimiques qui peut être, comme vous le dites, "pas nuisible". A quelque quantité que ce soit...

le 10/11/2018 à 13:36
Signaler
@ Réponse de à ?: libre à vous de vous nourrir uniquement de carottes, mais laissez-moi manger de la viande quand j'en ai envie. Si on cherche un peu, on en trouve de très bonne qualité

à écrit le 10/11/2018 à 9:42
Signaler
En vendant les carottes au prix du boeuf, hop le tour est joué ! Plus sérieusement, il faut de la sobriété à tous les niveaux et sortir de la société axée sur la consommation. Jouer de la guitare, aller au théâtre, cuisiner, faire du sport près de...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.