Volume 5 Numéro 11 - 13 octobre 2006

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SOMMAIRE

Enjeux-ÉNERGIE
>Une énergie géothermique tiède pleine de potentiel
> Focus > Quelles perspectives pour la voiture hybride « branchée » ?
> DuPont double sa mise sur le développement durable
> Un fonds européen de 100 millions € pour l’énergie propre dans les PED
> Le Portugal accueille le premier parc commercial de Pelamis

Enjeux-CLIMAT
> Ottawa recalé pour son « plan d’inaction »
> Émissions de GES : les producteurs d’électricité encore premiers
> Sécheresses et températures records
> Diviser par quatre les émissions de GES de la France d’ici 2050 : un immense défi...réalisable


À PROPOS du bulletin

Le bulletin Enjeux-ÉNERGIE est publié par le Centre Hélios, une société indépendante de recherches et d'expertise-conseil en énergie.

Les travaux du Centre sont axés sur l'analyse et la conception de stratégies, de politiques, d'approches réglementaires et de mesures économiques favorisant le développement durable et équilibré du secteur énergétique.

Les clients du Centre incluent les gouvernements, les organismes d'intérêt public et les producteurs et distributeurs d'énergie, parmi d'autres. Le Centre Hélios est un organisme à statut charitable reconnu par Revenu Canada et Revenu Québec. Tout don versé au Centre est déductible pour fins d'impôts.

- Parution toutes les trois semaines -

Coordonnateur :
Alexis BEAUCHAMP

Équipe de rédaction :
Alexis BEAUCHAMP, Sophie GEFFROY, et Philip RAPHALS

Production :
Sophie GEFFROY


REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier les partenaires suivants pour leur appui à cette publication :


 


 


Nous remercions également nos abonnés corporatifs :

> Environnement Canada
> Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L.
> Mouvement Desjardins

Énergie renouvelable
Une énergie géothermique tiède pleine de potentiel

Des centrales électriques de source géothermique existent dans une vingtaine de pays, mais seulement dans des régions où des eaux de haute température (au-delà de 150 oC) arrivent près de la surface. Ailleurs, l’énergie géothermique est de plus en plus utilisée pour des fins de chauffage, par le biais de thermopompes. Un nouveau système permettrait toutefois d’utiliser des ressources « tièdes » (environ 75 oC) pour produire de l’électricité, ces gisements de basse température étant beaucoup plus nombreux.

Une centrale électrique de 200 kW en Alaska a été inaugurée en compagnie des ingénieurs du United Technologies Research Center (UTRC) qui ont élaboré le système. Son fonctionnement est similaire à celui d’une turbine à vapeur, à la différence près que la turbine est actionnée par de la vapeur d’un HFC plutôt que par de la vapeur d’eau. Le point d’ébullition du HFC en question, communément utilisé comme réfrigérant, est suffisamment bas pour qu’il soit transformé en vapeur à des températures n’excédant pas 75 ºC. Une rivière à proximité de la centrale permet de retransformer le HFC en liquide, et ainsi de recommencer le cycle.

La station balnéaire Hot Springs a investi 2,2 millions $ dans ce système et devrait rentabiliser l’investissement en cinq ans. Avant l’installation de cette centrale novatrice, Hot Springs brûlait pour 1000 $ de diesel par jour afin de faire fonctionner une génératrice, avec les émissions de GES que cela entraîne. Les coûts sont évalués à seulement 7 ¢/kWh, ce qui est très bas pour un projet pilote de la sorte.

L’exemple de Hot Springs est certainement intéressant, mais l’UTRC vise surtout le marché des puits de pétrole et de gaz, qui pompent une quantité colossale d’eau chaude lors de l’extraction des énergies fossiles. Seulement au Texas, cette industrie utilise annuellement 1 908 milliards de litres d’eau qu’elle réinjecte dans le sol après utilisation. Cette eau chaude pourrait donc être utilisée afin de produire de l’électricité qui ferait fonctionner les pompes à pétrole, contribuant ainsi à réduire l’impact environnemental de ce secteur.

> Pour en savoir plus
[site de Chena Hot Springs]
[article]
[article]


Focus
Quelles perspectives pour la voiture hybride « branchée » ?

Un nombre grandissant de propriétaires de voitures hybrides modifie leurs voitures pour pouvoir les brancher sur le réseau électrique, et ainsi augmenter le rôle joué par l’électricité dans leurs déplacements. Le président américain George W. Bush fait explicitement référence à cette technologie comme un moyen de diminuer la dépendance des États-Unis envers le pétrole étranger. Toyota, leader incontesté des voitures hybrides, a confirmé cet été qu’elle travaillait sur le développement de modèles branchés.

Appellées « plug-in hybrids », ces voitures hybrides branchées consomment de 30 à 65 % moins d’essence que les hybrides non modifiées, selon leur utilisation et leur autonomie sur le mode électrique, d’après une étude récente de l’American Council for an Energy Efficient Economy (ACEEE). Alors que les hybrides comme la Prius figurent déjà parmi les voitures les plus économes sur le marché, ces chiffres peuvent faire rêver. L’ACEEE et d’autres observateurs nuancent toutefois le portrait.

Le principal avantage de l’hybride branchée est le remplacement d’une partie de sa consommation d’essence par l’électricité du réseau. Les rares branchées actuellement sur les routes possèdent 32 km d’autonomie en mode électrique, certaines allant toutefois jusqu’au double. Alors que la distance moyenne parcourue par une voiture aux É-U est de 51 km par jour, une proportion importante de ces déplacements pourrait être effectuée en mode électrique. Soulignons que ce mode n’est pas exclusivement électrique, puisque pour des raisons de performance et de coûts, le moteur à combustion est sollicité régulièrement, même s’il l’est moins qu’une hybride non branchée.

Le bilan environnemental d’une voiture hybride branchée dépend directement de la source d’électricité qui l’alimente. L’ACEEE évalue qu’une hybride branchée sur le réseau électrique californien et qui possède une autonomie de 65 km en mode électrique émettrait environ 33 % moins de CO2 qu’une hybride normale. La même voiture branchée sur le réseau électrique américain « typique » réduirait ses émissions de CO2 de seulement 15 %, alors que les réductions seraient nulles dans les régions où le charbon est la principale source d’électricité.

Les impacts sur la pollution atmosphérique (NOx et SOx) sont par ailleurs positifs en se basant sur le scénario californien, mais très néfastes selon les deux autres. Les émissions d’oxyde soufre (SOx) seraient multipliées par 1,57 et 3,54 pour une voiture branchée sur le réseau électrique des É-U et du centre-est des É-U, respectivement, comme l’indique le tableau ci-dessous.
 
Émissions d’une hybride branchée avec une autonomie de 65 km comparativement à celles d’une hybride classique, selon les différents generation mixes :
 CO2NOxSOx
États-Unis-15 %-23 %+157 %
Californie-32 %-40 %-29 %
Centre-est des États-Unis+1 %-5 %+354 %


Puisque 49,7 % de l’électricité générée aux États-Unis provient du charbon, le progrès au niveau des GES serait contrebalancé par l’impact sur la qualité de l’air. Les résultats seraient toutefois différents dans le cas d’un réseau alimenté principalement par des sources hydrauliques ou nucléaires.

Par ailleurs, l’étude de l’ACEEE ne se penche pas sur les sources d’électricité à la marge, qui devraient répondre à la nouvelle demande générée si les hybrides branchées se multipliaient sur les routes. Une étude approfondie de cet aspect permettra de mieux jauger la valeur écologique de l’hybride branchée.

Coûts importants

Le coût associé aux batteries est actuellement le principal frein associé au développement des hybrides branchées. L’ajout de batteries additionnelles d’une autonomie de 32 km coûte environ 10 000 $US, somme qui s’additionne au prix déjà relativement élevé de la voiture hybride « normale ». La transition vers un véhicule hybride branché n’est donc pas rentable pour la plupart des consommateurs, conclut l’ACEEE. Des progrès importants doivent être réalisés concernant le coût et l’efficacité des batteries, même s’il est important de souligner que le prix de l’essence, difficilement prévisible à moyen ou long terme, a un impact direct sur la viabilité de cette option. Les auteurs croient par ailleurs qu’une révision à la hausse des normes de consommation des véhicules (CAFE) serait l’avenue la plus efficace permettant le développement des hybrides branchées.

> Pour en savoir plus
[Étude de l’ACEEE]
[article]


Initiatives
DuPont double sa mise sur le développement durable

La multinationale américaine DuPont, déjà reconnue comme l’une des entreprises les plus actives dans la lutte contre les changements climatiques, veut faire du développement durable une partie intégrale de ses activités. L’entreprise vient d’annoncer des objectifs ambitieux concernant le développement de ses affaires touchant l’environnement ainsi que la réduction de son empreinte écologique.

DuPont, qui a réduit ses émissions de GES de plus de 70 % entre 1990 et 2004, s’engage à réduire celles-ci d’un 15 % additionnel à l’horizon 2015. Les émissions cancérigènes découlant de ses opérations, qui ont chuté de 92 % depuis 1990, seront de nouveau réduites d’au moins 50 %.

À plus court terme, Dupont promet de ne pas utiliser plus d’énergie en 2010 qu’elle en utilisait en 1990, indépendamment de la croissance de son chiffre d’affaires. Elle s’engage aussi à ce que 10 % de l’énergie qu’elle utilise soit renouvelavble d’ici la fin de la décennie ; il s’agit d’un doublement de la proportion de 2005 (5,5 %). L’entreprise veut aussi réduire sa consommation d’eau de 30 % en dix ans dans les endroits où le PNUE juge que les ressources hydriques sont rares ou menacées.

Le président de DuPont, Chad Holliday, affirme que cette approche est tout à fait légitime d’un point de vue strictement financier, promettant du même souffle d’augmenter le chiffre d’affaires de l’entreprise de 6 milliards $ seulement grâce à cette stratégie orientée vers le développement durable. Selon M. Holliday, « plusieurs entreprises affirment que ce qui est bon pour l’environnement peut également être bon pour les affaires. Nous avons une vision différente des choses : ce qui est bon pour les affaires doit aussi être bon pour l’environnement et pour les gens partout dans le monde ».

Les investissements en recherche et développement touchant directement l’environnement sont doublés (800 M$), l’objectif pour DuPont étant de vendre pour 2 G$ annuellement des produits d’efficacité énergétique ou de réduction des émissions de GES à l’horizon 2015. Ses revenus provenant des produits « non épuisables » doivent doubler à 8 milliards, notamment dans le domaine de l’agriculture. Fait à souligner, DuPont misera beaucoup sur la promotion de certains OGM dans ce secteur, intention qu’elle inclut dans sa vision du développement durable…

DuPont rejoint donc GE au sein des entreprises qui veulent s’afficher comme les leaders de la nouvelle économie verte aux États-Unis. Si l’accent mis sur les OGM est critiquable, il demeure que DuPont est l’une des compagnies qui a su le mieux améliorer son empreinte écologique…et son bilan financier.

> Pour en savoir plus
[Annonce de DuPont]
[article]


Politiques et plans
Un fonds européen de 100 millions € pour l’énergie propre dans les PED

La Commission européenne a annoncé la mise sur pied d’un fonds de capital-risque dont l’objectif est de développer l’investissement privé dans l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables dans les pays en développement (PED). Le Fonds mondial pour la promotion de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables (connu sous son acronyme anglais GEEREF) devrait commencer ses activités en 2007. Le commissaire à l’environnement de l’Union européenne, Stavros Dimas, précise que l’UE consacrera 80 M€ au GEEREF pour la période 2007-2010, d’autres sources de financement publiques et privées devant amener le total à au moins 100 M€.

L’objectif du GEEREF est de mobiliser le capital privé qui, malgré une amélioration des opportunités d’investissement dans les PED en matière d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables, tarde à se concrétiser. Selon la Commission, le principal obstacle a trait au manque de capital-risque. Le GEEREF offrirait de nouvelles possibilités de partage des risques et de cofinancement afin de combler les besoins de capital-risque actuellement évalués à 9 G€ dans les PED.

Le GEEREF s’appuiera sur la création de sous-fonds régionaux qui répondront mieux aux besoins spécifiques de chaque zone. Ceux-ci auront aussi pour mission de favoriser les projets de moins de 10 M€ puisque ceux-ci sont « plus souvent ignorés par les investisseurs commerciaux et les institutions financières internationales ». La plupart des projets proposés en Afrique sont toutefois d’une ampleur beaucoup plus humble. Il reste donc à voir si ce continent, explicitement ciblé par la Commission comme la zone où les investissements ont le plus de difficultés à se matérialiser, pourra bénéficier du GEEREF.

> Pour en savoir plus
[communiqué de la Commission de l’UE]
[article]


Énergie des vagues
Le Portugal accueille le premier parc commercial de Pelamis

Trois machines Pelamis, l’une des technologies prometteuses en matière d’énergie des vagues, fourniront jusqu’à 8,1 GWh d’électricité annuellement au réseau électrique portugais. Il s’agit de la première étape d’un projet qui devrait mener, à terme, à l’installation de 22,5 MW (30 machines d’une capacité de 750 kW).

Le Pelamis est une structure partiellement immergée et attachée au fond marin dont les sections cylindriques liées par des joints articulés exploitent le mouvement des vagues. Des machines hydrauliques pompent à haute pression de l’huile qui actionne des moteurs qui ensuite activent les générateurs électriques.

D’autres concepts cherchent à exploiter l’énergie cinétique des vagues en misant plutôt sur des installations fixes sur les côtes directement, comme le Land Installed Marine Powered Energy Transformer (LIMPET) en Écosse, ou sur des appareils flottants comme des bouées modulaires fixées au fond marin qui suivent les montées et descentes des vagues. Le dragon de mer danois ressemble quant à lui au Pelamis. Le « dragon » fixé au niveau de la mer capte de l’eau dans un réservoir, l’eau servant ensuite à faire tourner des turbines hydrauliques.

Le Portugal multiplie pour sa part les projets d’énergie renouvelable avec une cible de 9680 MW installés pour 2010, dont 3750 MW d’énergie éolienne. Les projets en cours incluent le développement d’une centrale à l’énergie solaire de 64 MW et la multiplication de petits barrages hydroélectriques. Ces développements accélérés sont notamment attribuables aux tarifs de rachat accordés à ces filières : entre 26 et 100 €/MWh pour l’éolien, entre 150 et 465 € pour le photovoltaïque, entre 42 et 82 € pour les petites barrages hydroélectriques et entre 140 et 280 € pour l’énergie des vagues. Le tarif précis accordé à chaque projet dépend de plusieurs facteurs, incluant leur efficacité et de leur impact environnemental.

> Pour en savoir plus
[Constructeur du Pelamis]
[Énergie des vagues : différents concepts]
[Analyse des tarifs portugais]




Ottawa recalé pour son « plan d’inaction »

L’esquisse de la stratégie environnementale du gouvernement conservateur a été dévoilée en grande pompe cette semaine. La déception a été immédiate et les réprobations sévères pour un « plan d’inaction » qui trahit l’absence de conviction d’Ottawa dans le dossier des changements climatiques.

Les cibles d’« intensité des émissions » promises par le gouvernement ne permettront pas de réduire les émissions de GES du Canada. L’intensité des émissions fait référence à la relation entre les émissions de GES et les unités produites, comme un baril de pétrole. Si la production augmente plus rapidement que les émissions de GES, l’intensité des émissions baisse, même si les émissions totales augmentent. L’intensité des émissions de l’économie canadienne a baissé de 13 % entre 1990 et 2003, mais les émissions ont augmenté de plus de 24 % durant la même période. (voir le tableau ci-contre)

Ces cibles confirment également le rapprochement dorénavant irréfutable avec la Maison-Blanche sur cette question. Cette approche d’intensité forme effectivement le cour du plan de l’administration Bush dévoilé en février 2002, qui demandait à certains secteurs de réduire leur intensité de GES... sensiblement au même rythme que celle-ci avait diminué en l’absence d’une telle mesure entre 1990 et 2002, soit 14 %. Le statu quo, donc.

Exercice de relations publiques

Le gouvernement conservateur tergiverse depuis son élection l’hiver dernier à propos d’une question qu’il voudrait manifestement voir reléguée à l’arrière-plan. Certaines déclarations maladroites et parfois contradictoires de la ministre de l’environnement Rona Ambrose semblent avoir convaincu Stephen Harper de reprendre le contrôle du dossier, perception par ailleurs confirmée par des fonctionnaires anonymes dans les médias. Le premier ministre propose donc de s’attaquer à la pollution atmosphérique. Il s’agit là d’une préoccupation plus importante pour la population que les changements climatiques, a-t-il confié en entrevue au Devoir.

Les deux problématiques sont toutefois différentes à plusieurs égards. La qualité de l’air est une question locale ou régionale, tandis que les changements climatiques sont de nature planétaire. Les polluants comme le monoxyde de carbone, les particules fines, l’oxyde d’azote et l’oxyde de soufre n’ont pas une durée de vie qui se mesure en décennies comme certains GES, limitant ainsi leur impact dans le temps. La pollution atmosphérique et les épisodes de smog sont des problèmes sérieux et qui méritent sans aucun doute une action gouvernementale concertée.

Or, un plan sérieux visant à diminuer les émissions de GES aurait certainement réduit la pollution dans l’air, en misant notamment sur une réduction de la circulation automobile et sur des sources d’électricité plus propres. Le contraire est toutefois loin d’être certain, surtout parce que les intentions du gouvernement fédéral relève d’un exercice de relations publiques plutôt que d’un désir sincère de régler le problème de la qualité de l’air. Comment expliquer autrement l’abolition du programme ÉnerGuide et la remise en question du transfert financier qui permettrait à l’Ontario de fermer ses centrales au charbon ? Ces initiatives auraient eu un impact mesurable et à court terme sur la qualité de l’air et les émissions de GES.

Par ailleurs, il est utile de noter que le projet vert du gouvernement libéral précédent comprenait des cibles d’intensité des émissions pour les secteurs industriels, y compris celui des hydrocarbures. Ces objectifs étaient toutefois inclus dans un plan qui visait le respect de l’engagement canadien dans le protocole de Kyoto, et qui s’engageait à acheter les réductions manquantes sur le marché international. Ce plan incluait aussi une panoplie d’autres mesures et mécanismes orientés vers la réduction des émissions de GES du Canada, y compris la mise en place d’un marché national d’échange des émissions. Le système des Grands émetteurs finaux (GEF) auquel devait s’appliquer ces cibles s’appuyait sur des mesures réglementaires, ses objectifs étaient quantifiés et son échéancier clair. Rien de tout ça dans les annonces des conservateurs.

Alors que les Canadiens sont inquiets face aux changements climatiques et qu’ils réclament une action gouvernementale, il sera intéressant de voir comment l’approche des conservateurs sera jugée lors des prochaines élections fédérales.

> Pour en savoir plus
[discours du PM Stephen Harper]
[article]
[article]


Les producteurs d’électricité encore premiers

Malgré la croissance très rapide des émissions provenant du secteur pétrolier et gazier (58,9 % depuis 1990), c’est le secteur de l’électricité et du chauffage qui domine le classement des grandes entreprises émettant le plus de GES au pays, précise un nouveau rapport de Pollution Watch. Six des dix entreprises responsables des plus importantes émissions proviennent de ce secteur, les autres oeuvrant dans le pétrole (trois) et l’acier. Ces dix sociétés ont à elles seules émises 15,8 % de toutes les émissions de GES au Canada en 2004.

Si les médias soulignent régulièrement le rôle joué par l’exploitation des sables bitumineux en Alberta dans la croissance des émissions de GES canadiennes, ce rapport de Pollution Watch remet à l’avant de la scène l’impact du secteur de l’électricité et de la chauffe, qui a lui aussi connu une augmentation importante depuis 1990 (36,6 %). Environnement Canada explique cette hausse par la demande croissante en électricité et le recours accru au charbon pour y répondre.

> Pour en savoir plus
[Rapport]


Sécheresses et températures records

Les nouvelles alarmantes issues de la communauté scientifique à propos des changements climatiques continuent de se multiplier.

Tout d’abord, le Centre Hadley a rendu publiques les conclusions d’une étude menée pour le gouvernement britannique, qui prévoient une augmentation marquée des sécheresses extrêmes au cours du siècle. Les épisodes de sécheresse pourraient doubler d’ici 2100, tandis que les sécheresses « extrêmes » affecteraient jusqu’à 30 % de la surface terrestre, dix fois plus que le 3 % actuel. Les chercheurs affirment aussi que la superficie affectée par la sécheresse a augmenté de 50 % au 20e siècle, la moitié de cette croissance ayant eu lieu durant la décennie 1990. Ces conclusions vont dans le même sens que celles du National Center for Atmospheric Research, qui signalait en 2005 que le territoire affecté par la sécheresse « sévère » a plus que doublé en trente ans.

Une autre étude importante, menée par James Hansen, un des climatologues les plus respectés aux États-Unis, soutient que la température actuelle est approximativement aussi élevée que la température maximale des 11 000 dernières années, et à environ 1oC du maximum depuis un million d’années. Publiée dans les Proceedings of the National Academy of Sciences, l’article conclut qu’une augmentation additionnelle de la température moyenne globale de 1 oC constitue un niveau « dangereux » à cause de l’impact appréhendé sur le niveau de la mer et sur la disparition massive d’espèces naturelles. L’étude affirme aussi qu’une augmentation de 3 oC pourrait éliminer une « majorité (60 %) des espèces sur la planète ».

Par ailleurs, l’équipe de James Hansen annonce qu’à la lumière de leurs conclusions, il est désormais incorrect d’affirmer que « la majorité du réchauffement planétaire a eu lieu avant 1940 ». Il faut plutôt dire qu’un réchauffement lent, avec des fluctuations importantes, a été observé durant le 20e siècle jusqu’en 1975, suivi d’un réchauffement accéléré de 0,2 oC par décennie.

Pour éviter les scénarios catastrophiques, Hansen juge urgent de ralentir la progression des émissions de GES puis de les réduire rapidement. La poursuite de la croissance actuelle des émissions de dioxyde de carbone (environ 2 % par année) jusqu’en 2015 mènerait à un niveau 35 % plus élevé que celui de 2000, mais surtout, « une autre décennie d’émissions selon le scénario de référence (business as usual) rend probablement impossible le scénario alternatif » qui permettrait de garder le réchauffement global sous la barre de 1oC au dessus de 2000.

> Pour en savoir plus
[article]
[article]
[Hansen dans PNAS (accès gratuit)]


Diviser par quatre les GES de la France d’ici 2050 : un immense défi...réalisable

C’est la conclusion à laquelle arrive un groupe d’experts, le Groupe Facteur 4, chargé par le gouvernement français d’une étude sur la possibilité de réduire drastiquement les émissions de GES d’ici 2050. Le groupe, supervisé par Christian de Boissieu, président de Conseil d’analyse économique, s’est basé sur plusieurs scénarios axés sur l’énergie, qui produit 73 % des émissions de GES du pays.

Pourquoi diviser par quatre les émissions ? Cette cible découle d’une approche égalitaire selon laquelle les droits d’émission d’un pays seraient proportionnels à sa population. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), une stabilisation de la concentration atmosphérique en CO2 à 450 ppm est l’objectif minimum que la planète doit se fixer pour que la croissance de température s’établisse entre 1,5 et 3,9 oC. Pour ce faire, les émissions annuelles en 2050 doivent être ramenées à 4 Gt de carbone, soit pour une population actuelle de 6,5 milliards d’habitants, 0,6 t de carbone par personne et par an. La France, avec 61 millions d’habitants, aurait donc droit à 38 Mt de carbone par année, soit une division par quatre de ses émissions actuelles qui, s’élèvent à 140 Mt.

Le Groupe Facteur 4 s’est particulièrement intéressé aux secteurs des transports et du bâtiment, qui représentaient 45 % des émissions totales en 2004 et qui sont les seuls en progression depuis 1990.

Les résultats potentiels d’une politique de type Facteur 4 sont directement liés aux innovations technologiques mais aussi à l’évolution des comportements. Ce dernier point est d’ailleurs crucial car, selon une tendance historique, les scénarios montrent que le pouvoir d’achat augmente plus vite que le prix des énergies sur le long terme, à moins de créer une fiscalité écologique qui compense ou même dépasse l’écart. De plus, les progrès en matière d’efficacité énergétique entraînent souvent un phénomène de « rebond » qui s’illustre par un relâchement des efforts des consommateurs.

Par ailleurs, les experts affirment, sans surprise, que toute politique publique pour soutenir de tels objectifs doit comporter des mesures radicales en efficacité énergétique, un soutien ambitieux de la R&D et la mise en place de tous les instruments économiques disponibles en veillant à respecter les normes européennes et les règles de l’OMC.

Du côté du secteur de la production d’énergie, les experts affirment que ni le nucléaire, ni les énergies renouvelables telles que le solaire et l’éolien ne pourront suffire à atteindre l’objectif. Ils préconisent plutôt un « bouquet » énergétique qui contiendrait également la biomasse, le gaz naturel et les biocarburants ainsi que le charbon à condition de capter et stocker le CO2. Le rapport souligne que « toutes les solutions permettant d’offrir quelques années de « répit » et ainsi de permettre aux comportements d’évoluer et aux sauts technologiques de s’imposer sur le marché doivent susciter l’intérêt ».

De plus, il est important de mobiliser les acteurs de proximité pour orienter les décisions individuelles d’investissement, notamment en ce qui concerne le secteur du bâtiment. Les auteurs citent les réseaux bancaires, les élus locaux, les médias, les artisans, le milieu communautaire et les chaînes de distribution (rénovation, électroménager). Au Québec, les initiatives volontaires en ce sens existent déjà avec, par exemple, l’HypothÉco de la Caisse d’économie solidaire Desjardins.

Le rapport conclut avec l’énumération de 28 recommandations concrètes. Il propose que 2020 constitue une année charnière, avec des objectifs intermédiaires chiffrés, pour rassembler tous les acteurs, d’ici là, sur une vision partagée des actions à mener. Selon le Groupe Facteur 4, 2020 correspond à l’horizon de beaucoup de schémas directeurs mais aussi à la durée d’un prêt auprès d’une banque.

Enfin, le rapport insiste sur la nécessité d’une coordination à long terme entre pays développés et sur l’importance d’intégrer le climat dans toutes les instances internationales (Banque Mondiale, G8...).

En France, le concept de Facteur 4 a été énoncé en premier par le Président Jacques Chirac suivi par le Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin en février 2003. Cet objectif a ensuite été repris dans l’article 2 de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique du 13 juillet 2005.

Le gouvernement français semble donc bien déterminé à relever ce défi majeur, à l’image de la Grande-Bretagne qui a annoncé en 2003 un objectif de réduction de 60 % d’ici 2050, soit un maximum de 65 Mt de CO2 par an.

Christian de Boissieu souligne que les échanges d’informations avec la Grande-Bretagne sur sa propre approche pour l’élaboration de ce rapport sont un bon exemple de coordination entre pays.

> Pour en savoir plus
[rapport final et autres travaux du Groupe Facteur 4]