Les gaz non conventionnels arrivent à maturité technologique
Que recouvre le terme de « gaz non conventionnels » ?
Cette appellation désigne trois types d'accumulations de gaz. Tout d'abord, il y a les gaz de réservoir compact (Tight Gas). Il s'agit de réservoirs traditionnels, de type grès ou craie, mais qui sont très compacts et très peu perméables. Cette faible perméabilité rend le gaz difficile à extraire. Il est alors nécessaire d'utiliser des puits horizontaux pour augmenter la zone de contact par laquelle le gaz peut entrer dans le puits. Il peut même être nécessaire de réaliser des fractures hydrauliques et d'injecter des petites billes très solides qui empêchent la fracture de se refermer. Il existe ensuite le gaz de charbon (Coal Bed Methane), connu sous le nom de grisou. Ce gaz est absorbé par le charbon. Pour l'extraire, le principe consiste à creuser des puits le plus loin possible dans la veine de charbon, de manière perpendiculaire aux fractures de cette dernière, pour que le gaz rejoigne le puits par les fractures.
Enfin, le type de gaz non conventionnel qui fait l'actualité est le gaz de schiste (Shale Gas). Au lieu d'être bloqué dans un réservoir, le gaz est piégé dans la roche mère où il s'est formé, c'est-à-dire dans une roche peu perméable. Il faut donc, là aussi, réaliser des puits horizontaux et fracturer la roche.
Du Shale Gas, il y en a partout dans le monde. Ce qui est nouveau, c'est la possibilité de le produire de manière économique. Aux Etats-Unis, la recherche a débuté il y a vingt ans. C'est la maturation technique des savoir-faire, combinée à des incitations fiscales, qui a permis ce développement. Un développement que personne n'a anticipé, excepté de petites sociétés qui en étaient les promoteurs. Elles ont investi dans ce créneau, avec un impact significatif sur la production nationale et mondiale aujourd'hui.
Quelles sont les contraintes techniques et environnementales soulevées par ces gaz ?
En ce qui concerne le Tight Gas et le Shale Gas, les billes doivent se propager avec l'eau lors de la fracturation. On utilise des gélifiants pour les entraîner. Mais ces gélifiants doivent pouvoir se dissoudre pour que l'eau redevienne liquide et s'échappe de la fracture. Cette technologie est maîtrisée par des sociétés de services comme Halliburton ou Schlumberger. Aux Etats-Unis, des préoccupations environnementales ont surgi concernant l'exploitation du gaz de schiste : certains se demandent si les gélifiants auraient pu polluer des nappes aquifères, à cause de fractures trop importantes. Cela reste à prouver, mais d'une manière générale, les techniques de fracturation nécessitent de grandes quantités d'eau qui doivent être apportées sur place et recyclées. Par ailleurs, il existe un problème spécifique pour le gaz de charbon, car plusieurs milliers de mètres cubes d'eau sont extraits au début de la vie de chaque puits avant de produire les premiers mètres cubes de gaz. Or, cette eau est potentiellement chargée de produits comme le benzène. Il faut donc la traiter.
Quelle est l'activité de GdF Suez en matière de gaz non conventionnel ?
GdF Suez est présent dans l'exploitation du Tight Gas. Le groupe dispose, dans ses actifs, de réservoirs en Allemagne, en mer du Nord britannique et néerlandaise, et en Algérie. En revanche, nous n'exploitons pas de gaz de charbon. En effet, après analyse, nous avons conclu qu'en Europe, cette activité ne représentait pas un potentiel de développement intéressant car les veines sont profondes, et l'accès aux terrains ainsi que les contraintes environnementales sont complexes. En revanche, il existe des capacités en Chine ou en Australie. En matière de Shale Gas, nous ne sommes pas présents sur ce secteur actuellement, mais nous sommes attentifs à des opportunités en Europe de l'Ouest *.
Est-ce que l'explosion des gaz non conventionnels va modifier votre métier d'exploration-production ?
Pour le Tight Gas et le Shale Gas, les techniques de production sont les mêmes : des puits horizontaux multifracturés. GdF Suez a investi dans ces techniques. Cela nous permettra, le moment venu, de répondre aux opportunités du marché.
Pour ce qui est de l'exploration, la technologie est la même que pour le gaz conventionnel : la sismique et le forage. Mais nous ne recherchons pas les mêmes objets. En réalité, la plupart des bassins de Shale Gas sont déjà connus puisque ces couches géologiques sont très souvent traversées pour atteindre des réservoirs plus profonds. Pour autant, personne n'a confirmé leur potentiel économique à ce stade.
* GdF Suez aurait demandé deux permis d'exploration dans le sud de la France pour des schistes gaziers, selon le "Bulletin de l'information pétrolière".