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Électricité : concurrence et TVA réduite

Publié le 20 févr. 2004 à 01:01

Deux taux de TVA coexistent en matière de distribution d'électricité : « l'abonnement » (part fixe) est facturé au taux de 5,5 % tandis que le surplus de la fourniture d'électricité (part variable) est facturé au taux normal de 18,6 %. Sans remettre en cause cette dualité, la mesure votée à l'initiative du gouvernement restreint l'application du taux réduit aux cas où la puissance maximale souscrite par un abonné sur un même site n'excède pas 36 kilovoltampères. Cette mesure revient à écarter l'application du taux réduit de TVA aux abonnements souscrits par la plupart des entreprises. Du fait du seuil de puissance maximale, au-delà duquel les abonnements seront facturés à 18,6 %, seuls les particuliers et les très petites entreprises pourront continuer à bénéficier du taux de 5,5 % sur leur abonnement. Le coût d'accès à l'énergie vient ainsi de renchérir subitement pour les consommateurs qui ne peuvent pas récupérer la totalité de la TVA (établissements financiers, compagnies d'assurances, hôpitaux, maisons de retraite...). Ce dispositif est destiné à contrecarrer l'offensive commerciale des nouveaux distributeurs d'électricité, tel Poweo, menée par le dynamique Charles Beigbeder, qui comptaient bien faire de l'importance de « l'abonnement » dans la fourniture totale d'électricité, un argument commercial auprès des consommateurs qui ne peuvent récupérer totalement la TVA.

Le gouvernement, dans l'exposé des motifs du projet de loi, a fait valoir que le plafonnement du taux réduit selon un critère de puissance maximale avait pour but de « limiter les distorsions de concurrence » entre consommateurs. Il s'est appuyé sur la sixième directive qui subordonne l'application du taux réduit de TVA aux fournitures d'électricité à la condition qu'il n'en résulte aucun risque de distorsions de concurrence. La distorsion de concurrence alléguée par le gouvernement résiderait dans le fait que l'importance de l'abonnement dans la prestation intégrée de fourniture d'électricité peut varier fortement en fonction des consommateurs (assujettis ou non assujettis) concernés, un « abonnement » trop élevé déguisant un moyen de fournir abusivement l'électricité au taux de 5,5 %.

Il n'est pas évident que les « distorsions de concurrence » qu'évoque le gouvernement existent réellement. Le fait que certains consommateurs soient en mesure d'obtenir des conditions de TVA plus intéressantes en négociant un « abonnement » plus important résulte d'abord du libre jeu de l'offre et de la demande, comme l'a relevé la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) dans la décision du 8 mai 2003.

Un engagement précis
Loin d'être « taillé sur mesure » en raison de considérations fiscales, sans justification économique, « l'abonnement » traduit au contraire l'existence d'un engagement précis de la part du client de consommer une quantité d'électricité déterminée, correspondant à ses besoins fixes (jusque ici facturée à 5,5 %), en contrepartie des conditions tarifaires qu'il a négociées. Le fournisseur s'engage, à son tour, à mettre à la disposition de son client une puissance déterminée, en l'acquérant à l'avance sur le marché Powernext ou auprès des producteurs. La violation des engagements de consommation pris est sanctionnée par de fortes pénalités tarifaires, reflet des conséquences financières entraînées par la surcapacité acquise par le fournisseur. Seul l'excédent imprévu de la consommation réelle (part variable) sur la puissance souscrite est facturé au taux de 19,6 %. La différence de taux reflétait ainsi deux modes très différents de fourniture de l'électricité : le taux réduit s'appliquait en contrepartie des contraintes spécifiques pesant sur le fournisseur et le consommateur, le taux normal dans les situations ordinaires. Il semble par ailleurs qu'EDF ait pu jouer dans le passé sur le flou entourant la notion « d'abonnement » pour en adapter la part dans le total de l'électricité fournie au cas par cas, en tenant compte des capacités financières des abonnés, ou de l'étendue de leurs droits à récupération de la TVA, avec un regard attentif sur l'impact budgétaires de ces tarifs pour l'Etat. Aucune « distorsion de concurrence » entre gros consommateurs n'avait jamais inquiété l'Etat, jusqu'à l'arrivée des nouveaux fournisseurs d'énergie...

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Du fait de la modification des textes, c'est donc sur la différence des coûts de fourniture d'électricité, plutôt que sur la différence des taux de TVA, que se jouera la compétition entre le distributeur public et les nouveaux fournisseurs.

ROLAND POIRIER (*)

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