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L’Elysée lance un site Web pour attirer les chercheurs sur le climat

Emmanuel Macron fait jouer tous les ressorts de la communication moderne dans sa contre-offensive médiatique à la décision américaine de retrait de l’accord de Paris.

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Publié le 09 juin 2017 à 06h32, modifié le 11 juin 2017 à 13h19

Temps de Lecture 4 min.

Un slogan, une vidéo, un Tweet relayé près de 240 000 fois, et désormais un site Web. L’exécutif fait jouer tous les ressorts de la communication moderne dans sa contre-offensive médiatique à la décision américaine de retrait de l’accord de Paris.

Lancée jeudi 8 juin, la plate-forme Makeourplanetgreatagain.fr, en anglais seulement, guide les chercheurs, les entrepreneurs, les membres d’ONG ou les étudiants qui souhaiteraient s’installer en France et y développer des projets sur le climat. « C’est une démarche inédite, avance l’Elysée, pour mener le combat contre le réchauffement climatique et affirmer le leadership de la France. »

Le site est aussi un outil de promotion présidentielle. Il s’ouvre par le discours d’Emmanuel Macron, dans la soirée suivant l’annonce de Donald Trump, jeudi 1er juin, d’annuler les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris pendant la COP21 en décembre 2015.

Depuis le 1er juin, le président français s’efforce d’occuper le terrain de la remobilisation : coup de téléphone au pape François le 2 juin, entretien avec le premier ministre indien Narendra Modi, à Paris, le lendemain, table ronde associant ONG et scientifiques le 6 juin. Le portail mis en ligne jeudi 8 se veut l’« outil ambitieux et très concret » qui manquait à cette dynamique.

Car l’objectif du site, développé en quatre jours, pour un coût de 22 000 euros selon l’Elysée, est bien d’attirer dans l’Hexagone ceux qui, au Nord comme au Sud, font du climat leur priorité d’action. L’invitation est très large, mais elle devrait rencontrer un écho particulier aux Etats-Unis, où le monde de la recherche pâtit des positions climatosceptiques de l’administration Trump, qui souhaite faire baisser le budget total de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) d’environ 30 %.

Le budget scientifique de l’agence fédérale - qui fait office de ministère de l’environnement, d’agence de financement de la recherche et d’institution fédérale d’expertise - pourrait pour sa part être amputé de plus de 40%. De telles coupes claires, qui nécessitent l’approbation du Congrès, pourraient s’accompagner d’une réduction de 25% des effectifs de l’agence. Sans compter les effets de ces réduction budgétaires sur les laboratoires académiques ou fédéraux, dont les travaux sont financés par des bourses octroyées par l’EPA.

« Ce que Donald Trump remet en cause, c’est finalement le multilatéralisme, or l’une des principales fonctions de la science, c’est de permettre la libre circulation des idées et des personnes », analyse Jean-Paul Moatti, le président-directeur général de l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Cet appel à l’aide de la communauté scientifique américaine est antérieur à la sortie de l’accord de Paris le 1er juin, précise le dirigeant de l’IRD. Elle remonte à la victoire présidentielle de Trump en novembre 2016. « Juste après l’élection poursuit M. Moatti, je me rappelle avoir reçu près de 150 mails de collègues américains », inquiets du nouveau paysage politique à Washington et désireux de renforcer leurs collaborations avec le Vieux continent.

Marche pour la science

Le 22 avril 2017, la Marche pour la science, dont Washington était l’épicentre, a rassemblé plusieurs dizaines de milliers de manifestants. Le mouvement, qui a également donné lieu à plusieurs centaines de cortèges aux Etats-Unis et hors des frontières américaines, coïncidait avec le jour de la Terre, qui rappelle chaque année le rôle crucial que la science joue dans nos sociétés.

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Dans ce contexte, l’initiative numérique du 8 juin est perçue comme « un signal important que notre travail a toujours de la valeur, à un moment où l’administration américaine semble envoyer le message opposé », témoigne Andrew Rosenberg, même si le directeur du Centre pour la science et la démocratie, une institution basée à Washington, ne croit pas en « un exode massif de chercheurs. » « Les scientifiques américains veulent, bien sûr, se consacrer à leurs recherches, mais ils veulent aussi que les connaissances qu’ils développent soient prises au sérieux par nos décideurs », note par ailleurs M. Rosenberg.

Jean-Paul Moatti voit une autre vertu à l’opération lancée par l’Elysée : « Au-delà du signal politique adressé par la France à la communauté internationale, le site et plus globalement la dynamique enclenchée le 1er juin pourraient permettre de rééquilibrer les flux de chercheurs au niveau mondial. Les Etats-Unis ont souvent tendance à polariser les chercheurs des pays émergents, d’Inde ou d’Amérique du sud, poursuit-il. On va sans doute assister à un rééquilibrage de ces flux, peut-être même à un renforcement des capacités de recherche, en Afrique par exemple. »

En l’état, le projet de l’exécutif comporte plusieurs zones d’ombre. Comment attirer en France des talents rémunérés quatre fois plus de l’autre côté de l’Atlantique ? Combien d’ouvertures de postes envisager dans le contexte actuel de rigueur budgétaire ? Quelles limites fixer pour maîtriser le flux des dossiers de candidature ? L’Elysée n’est pas en mesure, pour le moment, de répondre à ces questions.

« Opportunités de business »

Le site Internet n’est pas plus précis sur les informations délivrées aux entrepreneurs étrangers tentés par une expatriation en France. Il renvoie au réseau de contact de l’agence publique Business France, chargée du pilotage de la plate-forme numérique.

« L’action pour le climat offre clairement des opportunités de business », explique l’Elysée, qui entrevoit les bénéfices économiques qui pourraient résulter de l’intensification de la lutte contre le dérèglement climatique.

L’élection de Donald Trump aux Etats-Unis et le Brexit au Royaume-Uni ont créé des conditions favorables, mais pas suffisantes, à cette attractivité française, estime Olivier Mathiot, coprésident de France Digitale, une structure consacrée à la croissance des start-up. « Comme dans la Silicon Valley, ce nouvel entreprenariat a besoin de tout un écosystème pour s’épanouir : des chercheurs, des entrepreneurs, des grands groupes, des capitaux. Or l’argent public manque en France pour la recherche, observe le cofondateur de PriceMinister. Pour éviter que ce site Web ne se résume à un effet de communication, Il faut absolument renforcer les liens entre le secteur privé et le monde de la recherche. »

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