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Des coquillages pollués, partout dans le monde

La consommation d'huîtres, qui a explosé en cinquante ans, est affectée par l'apparition d'algues toxiques.

Par Gaëlle Dupont

Publié le 30 juillet 2009 à 13h55, modifié le 02 septembre 2009 à 18h39

Temps de Lecture 4 min.

Manque de fiabilité des tests ou apparition d'une nouvelle pollution ? Le débat autour de la toxicité des huîtres du bassin d'Arcachon, régulièrement interdites à la consommation, fait rage pour la cinquième année consécutive. Désemparés, les ostréiculteurs s'inquiètent pour leur avenir.

Le cas des coquillages français est loin d'être isolé. Depuis une vingtaine d'années, les proliférations d'algues toxiques se multiplient sur les littoraux du monde entier et sont devenues une source de préoccupation pour les pouvoirs publics. Car les coquillages sont de plus en plus consommés : en cinquante ans, la production mondiale a été multipliée par quinze. Les scientifiques s'inquiètent aujourd'hui de la montée en puissance de risques "émergents", liés aux effets du réchauffement climatique et aux interactions entre toxines, encore mal connues.

Pour le malheur des producteurs et des amateurs de moules, palourdes et autres huîtres, les coquillages, en filtrant l'eau de mer, concentrent les polluants.

Trois types de contaminants s'y accumulent : les résidus chimiques, les pollutions microbiologiques (liés aux dysfonctionnements des stations d'épuration et aux activités agricoles) et, depuis une vingtaine d'années, les substances toxiques produites par certaines espèces de micro-algues. Ces dernières peuvent provoquer des désordres gastro-intestinaux ou neurologiques.

Toutes les régions du monde sont touchées par ces proliférations. "Les Etats-Unis et le Canada sont davantage concernés par les toxines paralysantes et amnésiantes, qui peuvent produire des intoxications graves. Des cas mortels ont été recensés au Canada dans les années 1980, observe Catherine Belin, directrice du réseau de surveillance du phytoplancton et des phycotoxines (Rephy) créé par l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) en 1984. Les toxines diarrhéiques dominent en Europe." C'est le cas en France, où tout le littoral est affecté. Des toxines paralysantes ou amnésiantes y sont également repérées plus ponctuellement. Mais aucune intoxication mortelle n'a été recensée en France.

Le phénomène a été clairement caractérisé pour la première fois dans les années 1970. Les pollutions ont ensuite augmenté de manière importante dans les années 1990, avant de se stabiliser dans les années 2000. En cause : les eaux de ballast des navires, qui ont propagé les algues toxiques sur tout le globe. La pollution locale est un facteur aggravant : l'afflux d'azote et de phosphore venu des villes et des exploitations agricoles favorise les efflorescences d'algues.

Les scientifiques s'inquiètent aujourd'hui de l'impact du réchauffement climatique. Ainsi l'Ostreopsis, habituée aux eaux tropicales, prolifère de plus en plus en Méditerranée. Cette algue produit une substance toxique qui se disperse dans l'air, provoquant des troubles respiratoires. Des fermetures préventives de plages ont déjà eu lieu en France, en Espagne et en Italie.

Face aux risques, un système de contrôle rigoureux de la qualité de l'eau et des coquillages a été mis en place en France, premier pays conchylicole européen devant l'Espagne et premier consommateur au monde d'huîtres. Chaque année, des interdictions de vente sont prononcées l'équivalent d'un mois par an. C'est ce système de tests qui est actuellement au coeur de la polémique autour des huîtres d'Arcachon.

Les scientifiques parlent de cas "atypiques". Les tests biologiques, qui consistent à injecter des extraits de glandes digestives de coquillages à des souris, aboutissent à la mort des animaux en vingt-quatre heures, mais ne sont pas confirmés par les tests complémentaires habituels. "Nous sommes en présence d'une toxicité que nous ne comprenons pas, explique Sophie Krys, chef de l'unité caractérisation des toxines à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa). Quelque chose agit sur l'animal, mais on ne trouve pas de phytoplancton toxique dans le milieu, ni de toxines connues lors des tests d'investigation chimiques."

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Les ostréiculteurs, lourdement pénalisés économiquement, mettent en cause la méthode. "On ne peut plus se baser sur le seul test biologique, affirme Goulven Brest, président du Comité national de la conchyliculture. Les résultats des tests chimiques et les observations dans le milieu naturel doivent être pris en compte."

L'Afssa rappelle cependant que le test sur la souris "reste la méthode de référence au niveau européen". Il présente l'avantage de réagir à la présence de toxines connues ou inconnues – y compris en termes d'effets sur la santé humaine – tandis que les tests chimiques ne ciblent que les molécules connues.

Pour les ostréiculteurs, la réaction des souris n'est pas forcément synonyme de toxicité pour l'homme. Mais les scientifiques recommandent l'application du principe de précaution. "Il y a atteinte de l'animal, donc potentiellement risque pour le consommateur. Les substances en cause doivent être identifiées", poursuit Mme Krys. Un programme de recherche piloté par l'Afssa a été lancé fin 2007 afin d'élucider ces cas. Plusieurs pistes sont explorées, dont les synergies d'action entre toxines, encore mal connues, et l'apparition de nouveaux phytoplanctons.

Le gouvernement, de son côté, joue la prudence. Le ministre de l'alimentation, de l'agriculture Bruno Le Maire, tout en se disant "déterminé à mettre en place un test alternatif, capable d'apporter davantage de précisions", renvoie au niveau européen. "L'Union européenne a vocation à évoluer vers des tests plus précis sur les causes de toxicité. L'Autorité européenne de sécurité sanitaire (EFSA) travaille sur le sujet, explique-t-on au ministère. Pour l'instant, les tests chimiques validés ne sont pas suffisants pour atteindre un niveau de sécurité sanitaire équivalent aux tests biologiques."

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