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Le nouveau sarcophage de Tchernobyl, un projet pharaonique

Au moins 550 millions d'euros ont été réunis, mardi, à la conférence des donateurs, à Kiev, pour achever le nouveau sarcophage de Tchernobyl.

Par Anthony Hernandez

Publié le 19 avril 2011 à 17h46, modifié le 25 avril 2011 à 19h04

Temps de Lecture 5 min.

Le réacteur n° 4 de la centrale de Tchernobyl est recouvert par un sarcophage de fortune depuis la catastrophe nucléaire, en 1986.

Les représentants d'une cinquantaine de pays et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, se sont réunis, mardi 19 avril à Kiev, pour tenter de réunir les 740 millions d'euros manquants pour achever la nouvelle chape isolant le réacteur de Tchernobyl, vingt-cinq ans après la catastrophe. "Les contributions annoncées ce matin ont permis de réunir le montant remarquable de 550 millions d'euros", a déclaré le premier ministre français, François Fillon, à l'issue de la conférence, tout en se disant "confiant dans le fait que les pays qui n'ont pas pu annoncer un chiffre aujourd'hui seront en mesure de prendre des décisions très prochainement".

QUELLE PROTECTION POUR TCHERNOBYL DEPUIS VINGT-CINQ ANS ?

Le 26 avril 1986 à 1 h 23, le réacteur n° 4 de la centrale de Tchernobyl, en Ukraine, explose au cours d'un test de sécurité, à la suite d'erreurs de manipulation. La déflagration soulève la dalle supérieure du réacteur, d'un poids de 2 000 tonnes. Le combustible nucléaire brûle pendant plus de dix jours, rejetant des éléments radioactifs d'une intensité équivalente à au moins deux cents bombes du type de celle lancée sur Hiroshima. Les effets se font sentir dans une bonne partie de l'Europe, mais principalement en Ukraine, en Biélorussie et en Russie.

Pour éteindre l'incendie et nettoyer la zone autour de la centrale, l'URSS envoie des "liquidateurs" – six cent mille en quatre ans – exposés à de fortes doses de radiations avec une protection minime. En sept mois, et dans l'urgence, ceux-ci vont bâtir un sarcophage sur l'enceinte éventrée du réacteur, renfermant encore 190 tonnes environ de combustible nucléaire.

LA NÉCESSITÉ D'UN DEUXIÈME SARCOPHAGE

Le premier sarcophage n'est pas étanche aux intempéries et on estime à 100 m2 la surface des interstices ouverts dans sa structure de béton et d'acier. Il a en outre rapidement montré des signes de fragilité, une menace inacceptable compte tenu des quelque 4 tonnes de poussières radioactives susceptibles d'être propulsées dans l'environnement.

Selon l'Agence pour l'énergie atomique (AEN), "l'enveloppe n'est pas étanche. Le sarcophage n'a jamais été destiné à apporter une solution permanente au problème du confinement du réacteur accidenté. Il s'ensuit que cette solution temporaire risque fort d'être instable à long terme. Autrement dit, il y a une possibilité d'effondrement qui doit être corrigée par une solution technique permanente". Sans oublier qu'il menace de contaminer le personnel qui s'active encore sur le site, et que la cheminée qui le surplombe risque de tomber en ruine et de l'éventrer.

UN OUVRAGE DÉMESURÉ

Le projet comprend la conception et la construction d'une enceinte de confinement en forme d'arche, composée d'une ossature métallique de 18 000 tonnes (pour comparaison la tour Eiffel ne pèse "que" 7 300 tonnes). Elle mesurera 105 m de haut (deux fois la taille de l'Arc de Triomphe), 150 m de long pour une portée de 257 m. L'arche, montée sur deux rails, sera assemblée à l'ouest du réacteur accidenté (unité 4), puis déplacée sur 200 m grâce à des vérins hydrauliques pour venir coiffer le sarcophage existant.

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"Cette arche aura deux fonctions. Elle assurera le confinement du réacteur. Et elle soutiendra un pont roulant et des outils robotisés qui permettront aux Ukrainiens de lancer la déconstruction du sarcophage", précisait en 2009 Pierre Berger, président de Vinci construction grands projets. Le chantier devrait mobiliser un millier d'ouvriers, essentiellement ukrainiens, et une centaine d'expatriés pour le compte du consortium européen de BTP Novarka.

FINANCEMENT ET COÛT DE CONSTRUCTION

Selon Volodymyr Kholocha, le directeur de la zone d'exclusion autour de la centrale de Tchernobyl, "le programme complet des travaux est actuellement évalué à 1 milliard 540 millions d'euros, dont 990 millions d'euros pour le seul sarcophage". Un fonds a été constitué en novembre 1997 à l'initiative du G7 (devenu G8 depuis) pour en assurer le financement. Il est géré par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD).

Mardi, la conférence des donateurs pour Tchernobyl s'est engagée sur un financement à hauteur de 550 millions d'euros, sur un total de 740 millions d'euros nécessaires. Pour le moment, le Chernobyl Shelter Fund (CSF) est notamment abondé à plus de 26 % par l'Union européenne, à 19,6 % par les Etats-Unis, à 8,35 % par l'Allemagne. Le Royaume-Uni, l'Ukraine, le Japon, la France, le Canada ou encore l'Italie y participent également.

UN PROJET QUI A PRIS DU RETARD

Dès 1992, le nouvel Etat indépendant ukrainien songe à la réalisation d'un deuxième sarcophage. La vie politique agitée du pays ne va pas faciliter la concrétisation du projet. Finalement, en septembre 2007, le consortium Novarka, conduit par les sociétés françaises Vinci et Bouygues remporte l'appel d'offres et signe un contrat d'un montant de 430 millions d'euros pour la construction.

Initalement, le chantier est programmé entre 2009 et 2012. Mais les difficultés techniques sur place reportent le début des opérations, et font gonfler les coûts. Lors du creusement des premières tranchées, les plus éloignées du réacteur, les engins butent sur des déchets et des outils très irradiants. S'ajoutent à cela les incertitudes sur le design final de l'arche (lire un reportage du Monde sur les retards du second sarcophage). Les travaux ont donc commencé fin 2010 avec une mise en service prévue, pour le moment, en 2015.

UNE SOLUTION PÉRENNE MAIS PAS DÉFINITIVE

La maintenance de l'ouvrage est garantie pendant cent ans, malgré l'impossibilité d'y envoyer des hommes une fois l'arche installée au-dessus du réacteur. Pour ce faire, un pont roulant intégré sous l'arche doit permettre de démanteler l'ancien sarcophage et de retirer les débris. De plus, Hosni Bouzid, directeur du projet pour Novarka, cité par La Tribune, met en avant les bienfaits "d'un système de double peau pour la couverture de l'arche associé à un système de ventilation qui maintiendra un niveau d'humidité de l'air empêchant la corrosion de l'acier".

Si l'arche est censée offrir une protection pour une centaine d'années, elle ne répond que partiellement à la menace posée par le réacteur n° 4. "La récupération du cœur radioactif, sa prise en charge et son conditionnement posent encore des problèmes techniques et de financement", note ainsi Jean-Bernard Chérié, secrétaire général de l'Institut pour la radioprotection et la sûreté nucléaire.

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