Depuis quelques heures, Zhong Zhong et Hua Hua sont célèbres. Ces deux petits singes – dont les images circulent partout – représentent une percée scientifique : ils sont porteurs du même patrimoine génétique, comme des jumeaux homozygotes, alors qu’ils sont nés avec quelques semaines d’écart dans un laboratoire de l’institut de neurosciences de l’Académie des Sciences chinoise, à Shanghai.

En d’autres termes, ce sont des clones. Et même les premiers primates clonés grâce la méthode qui avait permis de créer Dolly en 1996. Il s’agissait alors du premier mammifère cloné à partir d’une cellule adulte prélevée dans les mamelles d’une brebis. Depuis, “une vingtaine d’autres espèces de mammifères, parmi lesquelles des chiens, des chats et des cochons ont été clonés, mais les primates se sont révélés particulièrement difficiles [à cloner]”, précise le site du journal hongkongais South China Morning Post (SCMP). Les chercheurs chinois décrivent comment ils y sont parvenus dans la revue scientifique Cell du 24 janvier.

L’espoir de remédier aux maladies génétiques

“Selon les scientifiques, des populations de singes génétiquement identiques seront utiles pour la recherche sur les maladies humaines”, rapporte le site BBC News. Cela permettrait, par exemple, de pouvoir observer l’impact, sur un de ces singes, de la modification d’un gène lié à des pathologies humaines, et de comparer son état de santé aux macaques au patrimoine génétique identique avant l’altération du gène en question. New Scientist détaille :

L’idée est de donner un coup d’accélérateur à l’identification des gènes et des processus génétiques à l’origine de ces maladies, pour mieux y remédier, explique l’équipe chinoise.”

Du côté de la presse chinoise, on se réjouit de voir les scientifiques du pays au centre de l’attention du monde entier. Yu Dawei, journaliste du magazine économique Caixin, constate que “dans la large couverture [dans la presse chinoise] du clonage de macaque, c’est ce qui retient le plus les commentaires : les Occidentaux avaient été les premiers à cloner une brebis, mais le clonage d’un singe, ils ne l’ont pas fait. Serait-ce parce qu’ils n’ont pas le niveau, ou y a-t-il une raison particulière ? questionne-t-il de manière rhétorique. La Chine serait-elle désormais à la pointe de la technique de clonage ?” 

Des questions éthiques

Le journaliste souligne la différence qu’il y a entre le clonage de moutons, de porcs ou de bovins, et celui d’un primate : “le prix à payer est incomparablement supérieur, pas seulement économiquement, mais plutôt en termes de déontologie. Les essais sur les primates doivent en Occident passer le cap d’un examen déontologique approfondi, sans lequel l’approbation ne peut être obtenue.” Sous-entendu, ces procédures sont plus souples voire inexistantes dans son pays.

Dans la presse occidentale, ces questions de déontologie et d’éthique sont au cœur des préoccupations. D’aucuns s’inquiètent des dérives potentielles et en particulier de l’éventualité que nous autres humains soyons les prochains sur la liste des animaux à cloner. “Si, selon Poo Muming [principal auteur de l’étude], cette technique pourrait en principe être appliquée à l’homme, les travaux de l’équipe portaient spécifiquement sur le clonage à des fins de recherche médicale,” note le SCMP.

The Guardian de son côté rapporte que les scientifiques insistent pour dire qu’ils n’étendront pas la technique aux humains. Mais surtout, ajoute New Scientist dans un autre article, “l’existence des singes clonés ne change en rien les arguments sociaux et éthiques avancés pour interdire le clonage reproductif humain – comme le font aujourd’hui plus de 70 pays, dont la Chine, et 15 États américains.”