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Vrai démocrate ou complotiste infréquentable ? Le blogueur Etienne Chouard divise la France insoumise
Inconnu du grand public, Etienne Chouard est une star de la politique sur Internet.
Capture d'écran Thinkerview

Vrai démocrate ou complotiste infréquentable ? Le blogueur Etienne Chouard divise la France insoumise

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Militant infatigable du référendum d'initiative citoyenne (RIC), le blogueur Etienne Chouard s'est imposé comme une référence des gilets jaunes. Mais ses fréquentations sulfureuses et ses ambiguïtés avec l'extrême droite ont valu à François Ruffin, qui l'a cité, une polémique au sein de la France insoumise.

Bastien Lachaud et Caroline Fiat échangent un regard interloqué. Adrien Quatennens sursaute et tourne la tête vers ses collègues, bientôt suivi dans sa surprise par Michel Larive. Le mardi 18 décembre, réunis pour une conférence de presse de soutien à l'idée de "référendum d'initiative citoyenne" (RIC), les députés de la France insoumise (LFI) sont pris de court. François Ruffin, membre du groupe parlementaire, vient de rendre un hommage inattendu à Etienne Chouard : "Le référendum d’initiative citoyenne a fleuri. Oh, il n’a pas fleuri par hasard. Il a fleuri parce que des hommes de conviction – nommons-les : Etienne Chouard et ses amis – ont semé, ont arrosé, depuis des années".

Qui est Etienne Chouard

La référence au blogueur de 61 ans n'est pas anodine : depuis 2005, ce professeur de gestion est devenu un des chantres de la démocratie directe, un penseur influent voire un gourou pour certains... mais dans le même temps, ses "errances" et ambivalences lui ont valu d'être considéré comme infréquentable par toute une partie de la gauche. Clémentine Autain, députée LFI de Seine-Saint-Denis, a ainsi dégainé un tweet offensif à l'encontre de François Ruffin : "Je suis évidemment en phase avec la proposition pour le RIC mais j'avoue, je n'aurais pas pris en modèle Etienne Chouard. Mais sans doute suis-je trop sensible aux dérives rouge-brun...".

Le qualificatif est lancé : "rouge-brun", adjectif infamant désignant des personnalités politiques issues du marxisme et du communisme ayant dérivé vers le fascisme ou l'extrême droite. Il a forcé François Ruffin à une mise au point, via Twitter lui aussi : "J’ai cité Chouard dans mon discours sur le RIC hier. Parce que, objectivement, quel nom revient sur les ronds-points : le sien. Parce que, avec honnêteté, il faut dire que sur ce RIC, avec foi, il a battu la campagne et les estrades depuis une décennie. Ce qui n’ôte rien à nos désaccords, déjà signalés avec force, avec clarté, il y a plusieurs années. Depuis, Chouard a mis fin à ses étranges liens. Alors, doit-on éternellement traiter les hommes en pestiférés ? Tel n’est pas [mon] choix".

Qui donc est Etienne Chouard, et pourquoi fait-il tant parler ? Inconnu de la plupart des Français, le militant politique est devenu en une grosse dizaine d'années une des étoiles de la contre-culture politique sur Internet. Sa notoriété remonte à 2005, au moment de la campagne référendaire sur le Traité constitutionnel européen (TCE). Âgé de 48 ans, Etienne Chouard est alors un anonyme prof de lycée à Marseille, électeur sans grande conviction du Parti socialiste (PS). Happé par les débats autour du TCE, il se décide à analyser de près le projet de nouveau traité européen, et en tire une tribune percutante, publiée sur son blog, qui dénonce le projet comme un "secret cancer de notre démocratie". Fouillé, argumenté, offensif voire excessif, le texte est partagé en masse et se répand comme la poudre. Etienne Chouard devient, à sa propre surprise, un des chefs de file discrets du camp du "non", qui triomphe au référendum. Il change de dimension. Le professeur se fait penseur et militant : lui qui ne s'y était jamais intéressé dévore des milliers de livres sur la politique et économique, partage ses réflexions sur son blog, donne des conférences. Il forme autour de lui une communauté de fidèles qui répandent ses idées, surnommés les "gentils virus".

Un promoteur du RIC

Chantre de l'éducation populaire, Etienne Chouard élabore de bric et de broc sa propre doctrine politique. Au centre de sa réflexion, la nécessité d'un "processus constituant". D'après lui, l'origine des maux de nos sociétés est inscrite dans la Constitution : en laissant le soin aux "responsables politiques, aux mains des grands marchands", de "l'écrire à notre place", nous (c'est-à-dire les 99% de moins riches) leur (les 1%) avons cédé le pouvoir. Dans la pensée de Chouard, toutes les dérives du capitalisme financier (inégalités, pauvreté, disparition des services publics, destruction de l'écosystème) sont reliées à ce péché originel : confier le pouvoir à des représentants, acte qui équivaudrait immanquablement à en priver le peuple.

"Les grands marchands, notamment les marchands d'argent ont pris le contrôle du politique et c'est une catastrophe, affirmait-il ainsi l'an dernier dans un long entretien pour Thinkerview, visible sur YouTube. Depuis 200 ans, les marchands se sont mis à écrire la Constitution, ils ont donc mis en place l'élection leur permettant de désigner les acteurs qui les aideraient et qui sont donc leur "chose" écrivant leurs lois". Afin d'y remédier, le blogueur exclut logiquement toute élection : il veut former une assemblée constituante tirée au sort, qui définirait par la discussion collective des nouvelles institutions. Celles-ci devraient faire la part belle à la démocratie directe : les responsables seraient tirés au sort, pourraient être révoqués à tout moment, et le peuple prendrait lui-même l'initiative d'écrire les lois... grâce au RIC, évidemment. "Le suffrage universel digne de ce nom, c'est : nous devrions voter nos propres lois", soutient le professeur Chouard.

En attendant cette révolution pacifique, le blogueur s'est attaché à appliquer ses principes au niveau local, en organisant des "ateliers constituants" destinés à faire de simples citoyens des "adultes politiques", souverains et capables de penser le bien commun. Influencé par la pensée anarchiste, il se définit comme un démocrate radical, persuadé que le peuple est "capable de mener lui-même ses affaires" ; convaincu de la nature intrinsèquement bonne des humains, Etienne Chouard est convaincu que "si on prend les décisions ensemble à la majorité, ce ne seront pas les quelques affreux, égoïstes, violents, méchants, qui sont minoritaires, qui vont faire la loi."

Influenceur reconnu des gilets jaunes

A cette pensée politique, le sexagénaire adjoint des idées économiques radicalement opposées au libéralisme de l'Union européenne. Dénonçant le statut de la Banque centrale européenne, Chouard affirme que "le premier privilège est celui pour un petit nombre de créer la monnaie", et que "les peuples qui ont perdu, renoncé à la création monétaire publique ont perdu en même temps leur souveraineté politique. La création monétaire est actuellement entre les mains des banquiers."

Invité de l'émission de Frédéric Taddeï Ce soir ou jamais en 2014, Etienne Chouard s'y livre à une longue tirade, très partagée sur Internet, qui synthétise ses idées. Elle lui permet d'accroître encore sa notoriété : "C'est une erreur de penser que les politiques sont impuissants, incapables ou ne comprennent pas. Comme s'ils voulaient servir l'intérêt général et n'étaient pas bons. Si on renverse la perspective en comprenant que ces gens-là servent les intérêts de ceux qui les ont fait élire, à savoir les 1% les plus riches de la population, à ce moment-là ce n'est pas une catastrophe. C'est même formidable : tout se passe comme prévu. (...) Tout se passe bien du point de vue des 1% qui se gavent plus que jamais. (...) Les gens sont gentils, ils croient les candidats pendant les campagnes électorales. Mais après 200 ans d'échec du suffrage universel qui permet aux riches d'acheter le pouvoir politique... Le fait de désigner des maîtres au lieu de voter des lois est une imposture politique. Nous ne sommes pas en démocratie. En démocratie, nous voterions nos lois nous-mêmes. L'impuissance politique est programmée, il y a un endroit où il est proclamé que le peuple n'a aucune puissance : ça s'appelle la Constitution, le problème c'est que tout le monde s'en fout".

Détournement de la démocratie, désir de représentation des idées populaires, impuissance du politique face aux grands intérêts économiques : les thèmes développés par Etienne Chouard depuis 13 ans sont en parfaite concordance avec le mouvement des gilets jaunes. Il n'est donc pas très étonnant de voir le blogueur, abondamment cité sur les rond-points par des gilets jaunes ayant formé leur réflexion politique sur Internet, soutenir le mouvement et s'afficher à ses côtés. Jacline Mourand, l'une des têtes d'affiches, l'a spontanément mentionné comme influence clé auprès de Marianne. Le 4 décembre, à Saint-Claire du Rhône (Isère), il a tenu une réunion publique sur le RIC en compagnie de plusieurs gilets jaunes, dont Maxime Nicolle, alias "Fly Rider", un autre leader.

Sulfureuses fréquentations

Mais Etienne Chouard, ce n'est pas que la démocratie directe et la critique des banques. Entre 2005 et aujourd'hui, dans sa volonté effrénée de dialogue avec tous les pans de la société, le professeur a frayé avec de nombreuses figures controversées... sans s'en détacher clairement, et parfois en les soutenant ouvertement. Ainsi, le 9 décembre 2007, Etienne Chouard conseille sur son blog le visionnage d'un "entretien passionnant" entre Thierry Meyssan (écrivain et diffuseur privilégié de théories du complot concernant le 11 septembre 2001) et l'essayiste Alain Soral, connu pour sa vision conspirationniste et violemment antisémite du monde. Ce dernier, qu'il rencontre en chair et en os dans les années 2010, ne va plus cesser d'empoisonner la réputation d'Etienne Chouard : incapable de s'en détacher clairement, le blogueur s'est longtemps montré d'une complaisance incompréhensible avec ce pamphlétaire virulent, condamné par la justice à de multiples reprises pour injures antisémites ou incitation à la haine raciale.

Récusant les propos de Soral concernant les homosexuels et les féministes, Chouard ne le situe pas moins dans L'Express en 2014 comme "à gauche parce qu'il se bat contre les privilèges", et indique qu'il l'a "rendu sensible" à la problématique du sionisme. Les qualificatifs élogieux pleuvent : "courageux", "résistant", "lanceur d'alerte qui proteste contre l'ordre établi"... Comme un renvoi d'ascenseur, Etienne Chouard est alors mis régulièrement en valeur sur Egalité et Réconciliation (E&R), le site internet qui promeut les idées d'Alain Soral. Culture libre, une association dont l'animateur est un responsable local d'E&R, diffuse et commercialise même certaines des conférences de Chouard.

Iconoclaste ou sulfureux, Etienne Chouard brouille en tout cas tous les repères politiques traditionnels : originellement identifié dans les rangs de la gauche radicale, il s'affiche avec des personnalités de l'autre versant : conférence commune sur les Lumières avec Marion Sigaut, militante d'E&R, en novembre 2012. Proximité avec François Asselineau, candidat souverainiste à la présidentielle de 2017 (Chouard a finalement voté pour Jean-Luc Mélenchon) et fondateur de l'Union populaire républicaine (UPR). Il conseille aussi des lectures pour le moins curieuses aux visiteurs de son blog - notamment les ouvrages du conspirationnistes Antony C. Sutton et du négationniste Eustace Mullins. Chouard défend son éthique politique : la volonté de se situer en dehors des clivages partisans et des critères de respectabilité édictés par le mainstream. "Cela fait douze ans que je travaille, parle en public, réfléchis aux pouvoirs et abus de pouvoir ; que je cherche à mettre un processus constituant qui, à mon avis, doit intégrer tout le monde", argumente le prof de gestion, bien décidé à n'exclure personne tout en enjambant le clivage gauche-droite.

Proximité de la sphère "dissidente"... d'extrême droite

Mais il ne s'est pas contenté de discuter : au fil des années, les contacts avec la sphère "dissidente" ont semblé infuser dans les analyses d'Etienne Chouard. Dans un entretien vidéo en 2014, il qualifie l'Union européenne de "projet fasciste", et applaudit la manière dont Alain Soral "dénonce le colonialisme guerrier du sionisme, explique que le sionisme est un projet colonial, raciste, militaire (...)".

Ses développements s'apparentent fréquemment au complotisme : on y trouve les mêmes méthodes d'analyse, trouvant dans un grand complot ourdi par les plus riches l'unique explication des malheurs du monde, élaborant des chaînes d'équivalence bancales mais définitives, faisant référence à des faits historiques parfois obscurs (notamment la création de la banque d'Angleterre en 1694) mais considérés comme capitaux... Etienne Chouard a également une manière bien à lui de définir le fascisme : dans un entretien avec le média Internet La Mutinerie, il explique refuser de "lyncher untel ou untel parce qu'il est fasciste, parce qu'il est d'extrême droite".

D'après lui, on commet une erreur en utilisant le vocable 'fasciste' pour "désigner ceux qui ont un avis non conforme sur les étrangers, sur la peine de mort, sur l'avortement, sur la religion catholique, sur la nation." Les vrais fascistes ? Ce sont "les grands propriétaires, les possédants, les ultra-privilégiés, qui veulent bien de la République quand les élections leur donnent tout le pouvoir. Ils se montrent comme fascistes et d'extrême droite quand ils sentent qu'ils vont perdre les élections. C'est les 1% contre les 99%. C'est ça l'extrême droite." Une classification qui permet notamment à Chouard de ranger le Parti socialiste dans le camp du fascisme...

A sa manière, Etienne Chouard est parfaitement représentatif des "gentils virus" qui le soutiennent : comme eux, il a construit sa culture politique sur le tas. Sur Internet et dans les livres plutôt que par l'intermédiaire de professeurs dispensant un savoir officiel. Chouard indique avoir dévoré, depuis 2005, plus de 3.500 ouvrages en tous genres. "(...) Je lis beaucoup, dans toutes les directions, tout ce qui touche aux pouvoirs, aux abus de pouvoir et aux institutions : histoire, droit, économie, philosophie politique, sociologie, anthropologie, de la bible à nos jours, tout m’intéresse, pourvu que ça me donne des idées et des forces pour organiser la résistance des êtres humains à tous les systèmes de domination", écrit-il sur son blog. Tout y passe, et est partagé instantanément et "exposé à l'intérêt et à la critique de [ses] lecteurs". Résultat : les constructions idéologiques traditionnelles sont totalement brouillées.

Dans cette "culture YouTube", faite de liberté et de désordre, on a parfois l'impression que tout ce qui se situe en dehors du mainstream est adoubé par principe comme faisant partie du combat pour la démocratie. Ce que résumait ainsi Chouard en 2014 dans L'Express : "Mon curseur politique est simple, c'est celui de la révolution. Celui qui soutient le peuple qui veut se soulever contre ses maîtres est à gauche. A droite, il y a la défense des privilèges." Philippe Marlière, universitaire de gauche opposé au professeur de gestion, est plus sévère : "Pour Chouard, il suffit de critiquer l’Union Européenne, les banques, la mondialisation, le capitalisme, pour être du bon côté".

Sentiments mêlés de Ruffin

Dans une longue analyse publiée en 2013, où il était déjà accusé de complaisances avec Etienne Chouard, François Ruffin livrait une lecture similaire, qualifiant la "construction idéologique" du blogueur, bâtie "en accéléré, de bric et de broc, comme tout le monde", de "bien récente, bien fragile, bien confuse". "Mon sentiment profond, c’est que tu es comme un adolescent en politique, jugeait alors Ruffin. Tu voles d’émerveillements en indignations. C’est beau, en un sens, ça apporte de la naïveté, de la fraîcheur, de la hardiesse aussi. Mais ça comporte une part d’errance." Ces errances ont valu de nombreuses excommunications à Chouard, faisant souvent suite à des pressions exercées par des groupes antifascistes. Comme en novembre 2012, où les cinémas Utopia et le Front de gauche annulent la venue du blogueur à une projection, après avoir découvert que le site de Chouard mentionnait dans sa liste de liens le Réseau Voltaire ainsi qu'Egalité & Réconciliation.

Un an plus tard survient la première explication avec François Ruffin, que le fondateur de Fakir a donc relatée sur le site de son journal, qui venait alors de faire la promotion de la pièce de théâtre d'Etienne Chouard, La dette expliquée à mon banquier. Après une première rencontre peu productive en 2009, Ruffin aborde frontalement la question de l'antisémitisme d'Alain Soral avec Chouard, qui se borne alors à répondre que l'auteur de Comprendre l'empire évoque l'antisionisme, refuse de "trier selon les appartenances politiques" et affirme sa volonté de "toucher tout le monde de gauche à droite". Finalement, Ruffin tiendra encore un dialogue avec Etienne Chouard, sans parvenir à se mettre tout à fait d'accord avec lui, mais indiquant qu'il se sent "davantage son 'ami', un peu, pas trop mais un peu, après ces échanges."

Plus de liens avec Soral depuis 2014

Depuis, le blogueur qui divise s'est-il rangé de ces douteuses fréquentations ? C'est toute la question. D'après le site Conspiracy Watch, la réponse est non. "Non seulement le blogueur n’est jamais revenu sur les multiples théories du complot qu’il a pu diffuser publiquement sur son blog ou dans des interviews mais, le 6 août 2018, Le Média pour tous, la chaîne YouTube récemment lancée par l’ancien collaborateur d’Alain Soral, Vincent Lapierre, mettait en ligne un entretien de 14 minutes avec lui", relève l'observatoire sur son site, tout en précisant que "Chouard n’a, du reste, jamais pris ses distances avec la nébuleuse antisémite gravitant autour d’Alain Soral et d’E&R" et n'est "jamais non plus revenu sur ses propos élogieux concernant Alain Soral".

Une assertion quelque peu inexacte. En novembre 2014, Etienne Chouard s'est nettement éloigné du penseur d'extrême droite. Faisant le constat des "accusations violentes" reçues après avoir posté le lien d'E&R sur son blog, le militant écrivait avoir "rapidement compris que [Soral] n'est pas du tout un démocrate", mais estimait que "une partie de son analyse du monde actuel" lui semblait "utile". Abordant enfin la question de l'antisémitisme, Chouard regrette que l'injure "antismémite" serve trop souvent "à qualifier tous ceux (même ceux qui ne sont absolument racistes) qui critiquent et condamnent la politique — elle, officiellement raciste et criminelle — du gouvernement israélien". Mais il se rend enfin à l'évidence, après avoir découvert une vidéo accablante datée de juin 2014, dans laquelle Soral tient "des propos terribles et dangereux".

Reconnaissant s'être "trompé en publiant un lien sans mise en garde", Chouard retire le lien d'E&R de son site, dénonçant un "mélange toxique" entre une "lutte légitime et courageuse contre de redoutables projets de domination" et "un sexisme, une homophobie, et maintenant un antisémitisme assumés". Et aujourd'hui ? A franceinfo, il assure qu'il refuse désormais les invitations d'E&R et a coupé tous les liens avec son leader, tout en objectant : "Le danger pour la société humaine, ça n'est pas Soral ! On n'en a rien à foutre de ces mecs-là, ils ne représentent que des groupuscules". Il a également publié une nouvelle note de blog ce jeudi 20 décembre, dans laquelle il assure que depuis son billet de 2014, il "ne parle jamais de Soral, absolument jamais, et que, par contre, tous ceux qui [l’]accusent de le fréquenter (ce qui n’est pas vrai), eux, en parlent tout le temps..."

Illustration des clivages de FI

Populaire et controversée, la figure d'Etienne Chouard illustre à sa manière les clivages qui minent la France insoumise en interne. Certains, adeptes d'une stratégie "populiste", estiment que LFI a vocation a s'adresser à des figures qui transcendent son électorat traditionnel de gauche radicale, devenu très minoritaire - sans forcément aller jusqu'à prôner un dialogue régulier avec Etienne Chouard. D'autres, qui défendent plutôt une union de la gauche, sont partisans d'un strict "cordon sanitaire" et jugent que LFI se compromettrait en approchant des figures n'étant pas clairement identifiées sur le spectre politique. Les deux conceptions ont leurs raisons d'être, et également leurs dérives.

A vouloir ratisser trop large pour ne pas s'enfermer à gauche, on court ainsi le risque de s'acoquiner avec des personnalités a priori peu compatibles avec le "nouvel humanisme" défendu par Jean-Luc Mélenchon ; de l'autre côté, en cherchant à excommunier tous ceux qui ne s'identifient pas à la gauche, la base se rétrécit, et ceux qui cherchent à dialoguer avec d'autres reçoivent des anathèmes insensés. Autre lecture possible : François Ruffin, qui donne des gages à l'une ou l'autre des deux options à intervalles réguliers, a tout simplement pris acte du fait que s'agissant du référendum d'initiative citoyenne, Etienne Chouard est devenu en France une référence incontournable. Qu'on l'apprécie ou non.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne