PIB : et si les instruments de mesure étaient dépassés ?
Plusieurs anciens et actuels responsables des statistiques économiques américaines mettent en doute l'efficacité de leur système de calcul.
Par Raphaël Bloch
Et si le thermomètre économique était cassé ? C'est ce que laissent entendre plusieurs anciens et actuels responsables des statistiques américaines à propos du PIB et de l'inflation. Selon eux, les méthodes de calcul des principaux indicateurs sont obsolètes, faute d'avoir réussi à intégrer les spécificités de la nouvelle économie.
Dans des déclarations à la presse et un article conjoint dans la revue scientifique de l'Association américaine de prospective économique, les cinq statisticiens expliquent qu'il existe des biais dans le calcul de l'indice des prix, c'est-à-dire l'inflation, et de la croissance américaine.
Ces erreurs conduisent notamment à une sous-estimation de la "croissance réelle" de la première économie mondiale, qui a enregistré un léger ralentissement au premier trimestre.
Innovations et numérique
Ces biais proviendraient notamment de l'incapacité des outils de mesure à intégrer l'impact des innovations et de l'économie numérique dans le calcul de la croissance et de l'inflation. Des trous dans la raquette qui interrogent, alors que des pans entiers de l'économie américaine ont bénéficié d'innovations technologiques, comme le secteur de la santé, qui représente près de 20 % du PIB.
Le constat est le même en ce qui concerne la révolution du numérique et l'intégration d'ordinateurs et de logiciels dans la production. Les avantages induits par cette dématérialisation des process n'ont pas été suffisamment intégrés. Ils sont même "sous-estimés", expliquent les cinq chercheurs.
Une question de moyens
Les méthodes d'amélioration de la précision des instruments de calcul n'ont pas été mises en œuvre pour des raisons financières. Une telle réforme nécessiterait des budgets et des échantillons conséquents. Les "coûts de calcul" des nouveaux modèles sont très élevés, confirment les cinq spécialistes.
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Ces problèmes sont "loin d'être nouveaux", rappellent-ils, soulignant que les calculs et le calendrier des publications statistiques ne sont pas pour autant totalement remis en cause. L'inflation serait surestimée et la croissance sous-estimée, selon leurs travaux, de seulement quelques dixièmes de pourcentages. Une paille !