Immersion en terre coréenne
Courrier Expat

L’école coréenne, une course infernale pour la réussite

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On entend souvent parler du système scolaire coréen comme étant un système étouffant, dans lequel les élèves font face à une pression psychologique énorme et où la réussite professionnelle doit s’acquérir à n’importe quel prix. La réalité est malheureusement très proche de cette conception. Petit aperçu de cette machine infernale.

Réussir, un impératif

La Corée du Sud est connue pour être un pays où le taux de suicide est particulièrement élevé, l’un des plus élevés au monde. Au cœur de ce problème, les jeunes : selon les rapports de Statistics Korea, le suicide est la première cause de mortalité chez les jeunes de 10 à 29 ans en 2017. Ces tristes statistiques reflètent le mal-être que peuvent ressentir les écoliers coréens face à un système qui a tout d’oppressant.

En fait, cela s’inscrit dans une dynamique sociétale beaucoup plus large : le diktat de « réussir sa vie », d’avoir une bonne position. En Corée du Sud, la réussite sociale et professionnelle doit être un but à poursuivre à tout prix : décrocher un bon emploi, se marier, fonder une famille, acheter une belle voiture, etc., sont autant de normes qui apparaissent comme un impératif. Ici, beaucoup plus qu’en Europe. Et pour « réussir sa vie » en Corée, il faut faire ses études dans les meilleures universités du pays : entrer dans ces dernières est le but principal de la plupart des lycéens du pays, qui se préparent avec acharnement aux examens d’entrée.

Le fameux trio des universités SKY (acronyme de Seoul National University, Korea University et Yonsei University, réputées pour être les meilleures de Corée), est très prisé par les futurs étudiants. L’ensemble de la société pense qu’il est évident de vouloir les meilleures places dans ces écoles, parce que la nécessité de la réussite professionnelle est une norme profondément ancrée dans les mœurs coréennes, et ce depuis le spectaculaire développement économique du pays dans les années 1970. Au final, la réussite n’est que partiellement un désir personnel, elle est devenue un diktat de la société, combinée à la nécessité de rendre sa famille fière.

Dès le lycée, la pression s’accumule

A l’origine de la pression subie par les écoliers, les procédures d’entrée pour ces universités prestigieuses, qui sont particulièrement difficiles et exigeantes. J’ai demandé à des Coréens de me parler de leur ressenti sur leurs années lycée; Il en ressortait que le stress extrême commençait vraiment à se faire sentir au début du lycée, puis montait crescendo au fur et à mesure que l’échéance des examens d’entrée approchent, l’équivalent de la terminale pour nous étant la pire année en matière de pression.

Bien sûr, certains réussissent à gérer leurs angoisses et à bien vivre ces années-là. Mais beaucoup sont très nerveux et tentent de calmer le stress par la prise de médicaments, par exemple. Les journées de travail sont très longues. Elles débutent le matin avec les premiers cours et se terminent bien souvent tard le soir avec les cours particuliers ou les devoirs jusqu’à des heures déraisonnables. Il n’est pas rare de voir les élèves dormir en cours, par exemple. Le plus étonnant étant que les enseignants ne disent rien dans ce cas, car cela montre que l’étudiant a bien travaillé tard dans la nuit, et c’est perçu de façon positive ! Je pense aussi à tous ces lycéens que je vois dormir dans le métro le matin, la tête défaite…

En tant qu’étudiante en échange, je ne ressens pas cette pression peser sur moi parce que je ne prends pas réellement part à ce système scolaire et professionnel. Je peux, en revanche, me rendre compte de celle subie par les étudiants coréens. En même temps, j’ai le sentiment que l’on parle assez peu des conséquences tragique de ce système : l’impact sur la santé psychologique des élèves, les suicides, etc. Et que le manque crucial de communication sur le sujet au sein même des écoles et des universités ne peut pas encourager à la disparition de ces troubles sociétaux.

Au final, un système loin d’être juste…

Lorsque j’ai demandé à une Coréenne si elle pensait que le système scolaire coréen était un système juste, elle a paru assez surprise par la question. J’abordais, je crois, un sujet plutôt tabou. Au final, quand je lui ai expliqué comment fonctionne le système français, elle a fini par me parler de l’aspect inégalitaire du système coréen. Ainsi, le revenu de l’élève a encore beaucoup à voir avec la réussite scolaire de celui-ci. Les  familles les plus riches paient à leurs enfants des enseignants privés souvent issus des grandes universités, ou bien ils les inscrivent dans ce qu’on appelle les académies, c’est-à-dire des prépas, des cours du soir privés extrêmement onéreux. En plus, ces académies sont situées presque exclusivement à Séoul, ce qui favorise encore plus les élèves des familles qui peuvent se permettre de vivre dans la capitale.

Beaucoup de tristes constats au final, mais j’ai bon espoir que les choses changent avec l’arrivée des jeunes générations qui seront sûrement plus aptes à faire changer les choses.