Une plongée en 3D à l’intérieur de la grande nébuleuse d’Orion

Les meilleures images des télescopes spatiaux Hubble et Spitzer ont été utilisées pour réaliser cette visite en 3D de l’une des plus vastes régions de formation stellaire de notre galaxie.

Ce plongeon dans la nébuleuse d’Orion a été réalisé par une équipe d’astronomes et de spécialistes du traitement et de l’analyse des images du STScI (Space Telescope Science Institut) et de l’IPAC (Infrared Processing and Analysis Center/Caltech). Ces chercheurs ont travaillé avec les meilleures images disponibles à ce jour en lumière visible et en infrarouge, prises avec les télescopes spatiaux Hubble et Spitzer, pour reproduire le modelé et le relief de cet immense nuage interstellaire, avec ses zones inertes et sombres et ses clairières lumineuses, dégagées et éclairées par l’intense rayonnement de jeunes étoiles géantes. Ici et là, on croise des petits disques de poussière qui tournoient autour d’étoiles encore en gestation et qui donneront probablement naissance à des systèmes planétaires complets dans les millions d’années à venir. Les capteurs électroniques du télescope spatial Hubble travaillent en lumière visible et dans le proche infrarouge et ils nous montrent les étoiles et les portions les plus chaudes et les plus actives de la nébuleuse. Le télescope infrarouge Spitzer détecte des corps célestes bien plus froids et ses images révèlent les astres embusquées derrière les pans les plus denses de ce nuage interstellaire de plusieurs dizaines d’années-lumière d’envergure.

Ce que nous appelons la nébuleuse d’Orion n’est que la petite partie visible d’un immense nuage interstellaire, majoritairement composé d’hydrogène, qui s’étend pratiquement sur toute la constellation d’Orion ; utilisez la carte du ciel du soir disponible un peu plus loin dans ce billet pour repérer cette figure céleste actuellement. Situé à près de 1 350 années-lumière de nous et très jeune à l’échelle de l’univers – quelques millions d’années seulement – cette nébuleuse est l’un des terrains de jeu préférés des astronomes car elle regroupe toutes les étapes de la formation des étoiles : elle nous montre ce à quoi devait ressembler l’environnement du Système solaire lors de la naissance du Soleil et des planètes, il y a quelque 4,6 milliards d’années.


Image de la nébuleuse d’Orion réalisée avec le télescope spatial Hubble.
Crédits : NASA/ESA/M. Robberto (Space Telescope Science Institute/ESA)/Hubble Space Telescope Orion Treasury Project Team

À l’œil nu, la nébuleuse d’Orion est suffisamment vaste et brillante pour apparaître comme un petit flocon grisâtre dans un ciel périurbain et son repérage est grandement facilité par la présence de plusieurs étoiles très brillantes à ses côtés. Elle luit comme un reflet diffus sur l’épée accrochée au baudrier du célèbre chasseur de la mythologie grecque. Le baudrier est formé par les étoiles Alnitak, Alnilam et Mintaka – les trois rois – qui s’alignent superbement au cœur d’Orion. Ces astres escaladent la portion sud-est de la voûte céleste au début des nuits hivernales (hémisphère Nord) et ils sont assez éclatants pour être repérables sans instrument en pleine ville si l’on prend soin de se protéger des lumières artificielles les plus éblouissantes.


En hiver, aux latitudes européennes, la grande constellation d’Orion apparaît au-dessus de l’horizon est en début de nuit. Elle est délimitée par des étoiles suffisamment brillantes pour être visibles en milieu urbain : Bételgeuse, Bellatrix, Rigel et Saiph qui encadrent le trio Alnitak, Alnilam et Mintaka, les trois rois ou le baudrier. La grande nébuleuse d’Orion est perceptible à l’œil nu sous le baudrier, comme un petit reflet diffus et grisâtre sur l’épée de ce chasseur mythologique. Sur cette image, l’éclat orangé de Bételgeuse est caché par un rameau de pin, mais les astres majeurs des constellations voisines, Sirius du Grand Chien, Arneb du Lièvre et Aldébaran du Taureau, se sont faufilés dans des trouées. Technique : une simple pose de quelques secondes sans entraînement – huit secondes dans le cas présent – avec une sensibilité poussée à 3 200 ISO suffit pour révéler toutes les étoiles d’Orion, même dans un ciel dégradé par la pollution lumineuse. Objectif de 14 millimètres ouvert à 2,8 et boîtier Nikon D700.
© Guillaume Cannat

Bien évidemment, cette vidéo est loin d’être parfaite scientifiquement parlant même si elle s’appuie sur les données scientifiques les plus rigoureuses disponibles à ce jour ; pour se promener à cette vitesse au sein d’un nuage interstellaire de plusieurs dizaines d’années-lumière d’envergure en profitant d‘autant de détails et de couleurs il faut accepter de court-circuiter « légèrement » la rigueur scientifique. Mais elle nous permet cependant d’aller au-delà des limites de nos sens et, en stimulant notre imaginaire et notre réflexion, d’apprécier ce qui est invisible pour nos yeux et de mieux appréhender la nature de cette région galactique fascinante. Si vous avez l’occasion de contempler la grande nébuleuse d’Orion dans les jours ou les semaines qui viennent, à l’œil nu ou dans un télescope, le fait d’avoir regardé cette vidéo vous permettra de mieux interpréter ce que vous verrez et votre expérience visuelle sera bien plus intense.

Lire aussi : Les nébuleuses d’Orion

Les autres rendez-vous astronomiques de la semaine…

Dimanche 14 janvier
Après sa belle période de visibilité en début de mois, Mercure « retombe » vers le Soleil et elle croise Saturne ce week-end, près de 10° sous l’arc lunaire dimanche. Ce duo planétaire est trois fois moins serré que celui formé par Mars et Jupiter il y a quelques jours (voir ce billet et la vidéo ci-dessous) et il se situe bien plus près de l’éclat solaire dans la clarté de l’aube. Il faut donc le rechercher une heure avant le lever du Soleil, au ras d’un horizon sud-est parfaitement dégagé. Saturne est deux fois moins brillante que Mercure ce matin et vous ne parviendrez à la distinguer que si l’atmosphère est limpide ; je vous conseille de vous munir de jumelles pour faciliter vos recherches.

 

Lundi 15 janvier
À l’aube, une heure avant l’arrivée du Soleil, le croissant lunaire, Mercure et Saturne dessinent ce matin un triangle au ras de l’horizon sud-est. Il faut choisir un site bien dégagé car Mercure se rapproche inéluctablement du Soleil et donc de l’horizon : elle se situe à moins de 2° de hauteur une heure avant le jour, soit à peu près l’épaisseur de l’index bras tendu. Heureusement, la parenthèse lunaire est encore parfaitement visible à l’œil nu puisque la nouvelle lune ne se produira que mercredi.

Mercredi 17 janvier
Nouvelle lune aujourd’hui. S’il fait beau, vous pouvez profiter des nuits noires les plus longues de l’année aux latitudes européennes et découvrir le ciel d’automne en début de nuit, le ciel d’hiver en cours de nuit et le ciel du printemps en fin de nuit. Avec même quelques étoiles du ciel d’été, comme Antarès du Scorpion qui brillent déjà au sud-est à l’aube !

Jeudi 18 janvier
Ce soir, peu après le coucher du Soleil, repérez le tout jeune croissant lunaire juste au-dessus de l’horizon ouest-sud-ouest. Âgé d’une quarantaine d’heures après la nouvelle lune, il est encore très mince et le reste du disque lunaire commence à peine à devenir perceptible à l’œil nu avec la lumière cendrée. Profitez-en pour voir ou revoir la vidéo que j’ai réalisée sur les minces croissants lunaires de décembre et pour relire ce billet.

 

Phases de la Lune en janvier 2018
La Lune est pleine le 2 dans les Gémeaux, au dernier quartier le 8 dans la Vierge, nouvelle le 17 dans le Sagittaire, au premier quartier le 24 dans la Baleine et pleine une seconde fois le 31 dans le Cancer.

Lire aussi : Toutes les phases et toutes les éclipses de la Lune en 2018

Le ciel de janvier
Janvier est souvent le mois le plus froid de l’hiver, mais c’est également celui qui nous offre régulièrement les plus belles nuits de l’année. En ville ou en pleine nature, les trois étoiles alignées de la ceinture d’Orion permettent de repérer aisément cette grande constellation dès la fin du crépuscule. Autour de ce trio – les trois rois –, Bételgeuse, Bellatrix, Rigel et Saiph dessinent un vaste parallélogramme. Les bras d’Orion agrandissent cette figure incontournable du ciel hivernal : dans une main, ce chasseur tient une massue qui s’élève vers les Gémeaux, dans l’autre il brandit un bouclier ou une peau de bête devant le mufle du Taureau.

Lorsque Orion marche au-dessus de l’horizon sud, il est aisé de reconnaître sur sa gauche et un peu plus près de l’horizon l’éclat étourdissant de Sirius du Grand Chien, l’étoile la plus brillante de la sphère céleste. Intrinsèquement vingt-six fois plus lumineuse que le Soleil, Sirius est aussi l’une des étoiles les plus proches du Système solaire – 8,6 années-lumière –, ce qui explique l’intensité de son éclat. Bételgeuse, Sirius et Procyon (Petit Chien) délimitent le Triangle d’hiver. Remplacez Bételgeuse par Rigel et ajoutez Pollux des Gémeaux, Capella du Cocher et Aldébaran du Taureau pour dessiner l’immense Hexagone d’hiver. Si vous vivez sous un ciel dégradé par la pollution lumineuse, les étoiles très brillantes qui bornent le triangle et l’hexagone sont généralement visibles et ces deux formes géométriques sont faciles à repérer. Consacrez une sortie sous un ciel de meilleure qualité à une découverte plus complète des constellations hivernales. Au fil de la nuit, la rotation terrestre emporte les astres vers l’ouest et les constellations du printemps puis de l’été font leur apparition par l’est.



Cartes du ciel visible en janvier 2018 vers la fin du crépuscule et à l’orée de l’aube à la latitude de la France métropolitaine. Cliquez sur les cartes pour les afficher en grand et les imprimer pour votre usage personnel. La position des planètes est bonne pour le milieu du mois. Ces cartes peuvent être utilisées en Europe et dans le monde à l’intérieur d’une bande s’étendant de 38° à 52° de latitude nord. Si vous êtes à plus de 45° nord, l’étoile Polaire sera plus haute dans votre ciel et, le soir, la constellation du Taureau sera d’autant plus proche de l’horizon sud. Si vous êtes à moins de 45° nord, l’étoile Polaire sera plus proche de l’horizon nord et le Taureau sera plus éloignée de l’horizon sud. Attention, ces cartes ne sont pas à l’envers ! Elles représentent simplement les astres qui sont situés au-dessus de nos têtes. Si vous vous allongiez avec la tête vers le nord et les pieds vers le sud, l’est serait bien à votre gauche et l’ouest à votre droite. Utilisez ces cartes en les imprimant et en les faisant tourner de telle sorte que le nom de la direction dans laquelle vous observez soit écrit à l’endroit. Les constellations et les étoiles que vous retrouverez dans la portion du ciel qui vous fait face sont toutes celles dont le nom est lisible sans trop pencher la tête. Les noms des constellations et de leurs principales étoiles sont indiqués, ainsi que le tracé des constellations les plus importantes ; ce tracé est parfois incomplet lorsque la figure est en partie cachée sous l’horizon. La partie la plus dense de la Voie lactée est dessinée, mais vous ne distinguerez cette bande irrégulière et fantomatique que dans un ciel suffisamment protégé de la pollution lumineuse. En ville ou en milieu périurbain, seuls les astres les plus brillants parviendront à s’imposer.
© Guillaume Cannat

 

Lire
Mon livre – Le ciel à l’œil nu en 2018 – est disponible en librairie. Il détaille les plus beaux rendez-vous astronomiques de l’année 2018 et il contient de nombreuses images inédites. Il a été rejoint sur les tables des librairies par le très grand Calendrier Astronomique 2018 à afficher, que je vous propose depuis quatre ans pour avoir toujours sous les yeux les prochains rendez-vous célestes.

Observer
Vous avez reçu une lunette ou un télescope à Noël ? Pourquoi ne pas suivre un stage à la Ferme des étoiles pour apprendre à bien l’utiliser. Ce site astronomique réputé organise des week-ends d’astronomie toute l’année dans le Gers et à l’observatoire du Pic du Midi.
En savoir plus…

Écouter
Retrouvez-moi dans l’émission CO2 mon amour de Denis Cheissoux sur France inter. Pour (ré)écouter l’émission sur le web cliquez ici… 

Guillaume Cannat (pour être informé de la parution de chaque nouvel article, suivez-moi sur Twitter, sur Facebook ou sur Google+)

17 réponses sur “Une plongée en 3D à l’intérieur de la grande nébuleuse d’Orion”

    1. En même temps, au risque faire disparaître la magie, les couleurs reproduites ici n’ont pratiquement rien à voir avec ce que vous « verriez » en vrai. C’est une mise en valeur artistique et lyrique (la musique d’ambiance est là pour cela) d’une performance scientifique.

    1. Sur de telles photos, ce ne sont jamais les « vraies » couleurs, nos yeux ne peuvent pas voir de telles nuances. Le domaine visible pour nos yeux, n’est qu’une toute petite partie de ce que la lumière peut nous offrir. La plupart des tons rouges sont en infra rouge, mais on les fait apparaitre sur la photo en trichant un peu pour pouvoir les apprécier.

  1. Très jolie vidéo mais totalement phantasmatique : impossible d’avoir de telles images en navigant à une telle vitesse(supra luminique?) par effet doppler.

  2. Magnifique. Sur le plan technique, j’aurais aimé savoir comment les scientifiques ont pu obtenir une vue 3d d’objets célestes aussi lointains. Émotion semblable au soir où j’ai pu observer, il y a très longtemps, les anneaux de Saturne avec une modeste lunette astronomique.

  3. très joli…
    mais on se perd dans cet immensité qui semble infinie et si peu de chose à la fois…
    on est très bien sur notre petite planète, plus à notre échelle, puisqu’on y est apparu il y a peu, et d’où on ne pourra donc pas partir…
    dommage qu’on soit en train de la détruire frénétiquement
    et ce au nom d’un prétendu « progrès scientifique », le comble !
    en fait prétexte à « créer des riche$$e$ », du fric…du vent !

    Avant d’explorer d’autre mondes où de toute façon on n’aura rien à y faire, il serait plus urgent pour l’Humanité de descendre de son cocotier et de sortir de son hystérie et sa paranoïa collective actuelle de troupeau de singes dégénérés qui se croient savants

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