« #PfizerDocuments ». C’est sous ce énième mot-dièse que les militants antivaccins dénoncent, depuis le 4 mai, de supposées révélations sur des prétendues malversations du géant pharmaceutique. A les croire, les documents rendus publics sur requête des agences américaines du médicament (FDA), prouveraient que l’entreprise américaine Pfizer a sciemment caché l’inefficacité de son vaccin.
Selon ceux qui les relaient, le laboratoire reconnaîtrait dans ces documents que la protection vaccinale apportée par son produit ne serait que de 12 %, voire de 1 %. Des messages relayés plusieurs centaines voire milliers de fois, comme ici, ici, ou encore ici. Pourtant, contrairement à ce qu’affirment tous ces militants, Pfizer n’a pourtant jamais écrit que l’efficacité de son vaccin n’était que de 12 %.
Autre critique : Pfizer y reconnaîtrait la dangerosité de son produit pour les femmes enceintes et le déconseillerait. Un mélange de chiffres inventés, de notions statistiques mal comprises et de connaissances obsolètes.
Pourquoi ce chiffre de 12 % est faux
- Une rumeur issue de la sphère antivax
Cette affirmation, qui n’a en réalité aucun rapport avec les documents récemment mis en ligne, provient d’une « analyse » publiée le 3 avril sur le réseau social Substack par Sonia Elijah, ancienne journaliste de la BBC évoluant aujourd’hui dans les sphères trumpistes et antivax.
Pour arriver à ce « 12 % », Mme Elijah s’appuie sur un document, rendu public depuis au moins le 8 décembre 2020 : la notice d’information envoyée par Pfizer aux FDA, dans laquelle l’entreprise se targue des fameux 95 % d’efficacité du vaccin qui allait être autorisé. Une phrase y interpelle l’ancienne journaliste de la BBC : « Parmi les 3 410 cas totaux de Covid-19 suspectés mais non confirmés dans la population globale de l’étude, 1 594 sont survenus dans le groupe vacciné contre 1 816 dans le groupe placebo », écrit Pfizer.
- Un calcul réalisé à partir d’individus… négatifs
« Si vous calculez l’efficacité vaccinale à partir de ces chiffres, elle est incroyablement basse, 12 % », s’emporte Sonia Elijah. Sauf que contrairement à ce qu’elle présuppose, rien ne permet d’affirmer avec certitude que ces 3 410 personnes symptomatiques ont bien été malades du Covid-19. Certes, il n’est pas possible d’écarter une part de faux négatifs (des personnes contaminées, mais non détectées en raison d’un problème de réglage du test PCR, ou d’une charge virale trop basse, par exemple).
Mais il n’est pas non plus possible d’écarter d’autres pathologies à la symptomatologie proche (rhume, grippe, migraine chronique, etc.), ni, surtout, une autre piste d’explication, donnée par Pfizer, mais que Sonia Eljah se garde bien de citer sur ce point : celle d’une « réactogénicité au vaccin avec des symptômes qui se confondent avec ceux du Covid-19 », c’est-à-dire d’effets secondaires qui évoquent le Covid-19, sans être causés par celui-ci.
Les études en population réelle ont, depuis, confirmé que la vaccination pouvait provoquer plusieurs effets indésirables similaires à des formes symptomatiques modérées de la maladie, comme la fatigue, les maux de tête ou l’état grippal. Des effets indésirables qui n’ont rien à voir avec la question de l’efficacité du vaccin contre le virus.
- Une efficacité largement confirmée en population générale
Au-delà du peu de rigueur du calcul, repris sans recul critique par de nombreux militants antivaccins, ce chiffre de 12 % bricolé à partir d’un document de décembre 2020 occulte que depuis, les vaccins contre le Covid-19 ont fait l’objet de nombreuses études en population globale, à la fois indépendantes de l’industriel et bien plus puissantes statistiquement.
Celles-ci ont toutes confirmé l’efficacité de la vaccination à ARN messager (ARNm) contre les formes graves du Covid-19. Dans l’étude la plus solide, publiée en mai 2021 dans The Lancet, qui a suivi une cohorte de 1,65 million de personnes en Israël, les chercheurs concluent que celui-ci est efficace à 95,3 % pour l’infection au SARS-CoV-2, à 97,2 % pour éviter les hospitalisations et à 96,7 % pour éviter les décès chez les vaccinés ayant reçu leur seconde dose depuis au moins sept jours. Une étude dont les résultats ont été confirmés dans les grandes largeurs en France, quelques mois plus tard, sur 22 millions de personnes, avec une deuxième injection.
Si l’efficacité de la vaccination a, depuis, été revue à la baisse avec l’émergence de nouveaux variants et la baisse de l’effet protecteur dans le temps, au moment où Pfizer envoie sa demande d’autorisation, il est mensonger d’affirmer que l’entreprise reconnaît une efficacité de seulement 12 %.
Un chiffre de 1 % réel, mais en changeant d’indicateur et d’échelle
- Deux modes de calcul différents
Autre accusation : au bout d’une semaine, l’efficacité du vaccin de Pfizer ne serait plus que de 1 %. Là encore, aucun document n’arrive à une telle conclusion. Il s’agit d’une reprise d’une autre rumeur antivax, liée à la coexistence de plusieurs méthodes de calcul pour évaluer l’efficacité d’un médicament, la réduction relative de risque (RRR), la plus communément utilisée, et la réduction absolue de risque (RAR), plus marginale.
La première évalue l’utilité d’un produit médical en comparant un groupe l’ayant reçu à un groupe placebo : si à population égale, le premier groupe a connu moitié moins de cas, son efficacité relative est évaluée à 50 %, s’il en a connu quatre fois moins, à 75 %, vingt fois moins, à 95 %, etc. C’est ainsi que Pfizer, comme toutes les entreprises pharmaceutiques, évalue la protection apportée par son produit.
- Un indicateur qui tire mécaniquement les résultats vers le bas
Le second type de calcul rapporte le nombre de cas, non seulement à un groupe témoin, mais aussi à l’ensemble de la population de l’essai, tirant systématiquement les résultats vers le bas. « Imaginons qu’un essai a enrôlé 20 000 patients dans le groupe contrôle et 20 000 dans le groupe vaccin. Dans cette étude, 200 personnes dans le groupe contrôle tombent malades et 0 dans le groupe vaccin. Même si l’efficacité vaccinale serait d’un impressionnant 100 %, la RAR montrerait que le vaccin ne réduit le risque absolu que de 1 % 200/20 000 = 1 %) », explique Health Care, une plate-forme de pédagogie médicale.
Mécaniquement, « la RAR tend à être ignorée parce qu’il donne des résultats de taille bien moins impressionnants : 1,3 % pour l’AstraZeneca – Oxford, 1,2 % pour le Moderna – NIH, 1,2 % pour le Johnson & Johnson, 0,93 % pour le Gamaleya et 0,84 % pour le Pfizer – BioNTech », relevaient, en avril 2021, Piero Olliaro, Els Torreele et Michel Vaillant, dans un article du Lancet. Celui-ci a, depuis, été récupéré par les sphères antivax, qui agitent depuis le chiffre de « 1 % d’efficacité », au grand dam de ces chercheurs, alors qu’il ne correspond pas au mode de calcul habituellement utilisé.
Des précautions obsolètes pour les femmes enceintes et les jeunes mamans
- Il ne s’agit pas d’un document de Pfizer
Autre élément récurrent, Pfizer aurait admis, dans ses documents gardés plusieurs mois secrets, que son vaccin « n’est pas recommandé durant la grossesse » et que l’on « ignore si le vaccin Covid-19 mRNA BNT162b2 est excrété dans le lait humain ».
Encore une fois, il ne s’agit pas d’affirmations provenant de documents de Pfizer, mais d’un avis de l’Agence britannique du médicament et des produits de santé (MHRA), en date du 8 décembre 2020, dont l’archive peut encore être consultée.
- La vaccination désormais recommandée pour les femmes enceintes
Il s’agit alors d’une posture de précaution basée sur le peu de données connues à l’époque, et qui n’a plus cours aujourd’hui. « Plus de 104 000 femmes enceintes ont reçu au moins une dose de vaccin en Angleterre et en Ecosse, et aucun problème n’a été relevé », corrige auprès de Reuters la MHRA, qui ne déconseille plus la vaccination en période de grossesse ni d’allaitement.
Il en va de même en France. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) note, depuis février 2021, que « les femmes enceintes ayant contracté la Covid-19 ont plus de risques que la population générale de développer une forme grave de la maladie » et juge que la vaccination avec un vaccin à ARNm leur est « fortement recommandée ».
Elle précise, par ailleurs, qu’il n’existe aucune étude sur le passage des vaccins dans le lait maternel, mais que, à ce jour, les données d’observation « n’ont pas mis en évidence d’effets indésirables chez les nouveau-nés et nourrissons allaités ».
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