Moins de viande, moins de poisson… les Français seraient-ils devenus plus attentifs à l’impact carbone de leur alimentation ? Pas vraiment, ils subissent. Ils subissent l’inflation alimentaire au point de devoir réduire la qualité et la quantité de leur panier alimentaire. Une situation d’autant plus inquiétante qu’elle semble s’inscrire dans la durée.

C’est une chute de la consommation alimentaire historique, bien que moins importante que prévu car l’Insee a revu sa méthodologie. C’est même du "jamais vu" depuis le début du recensement de ces données par l’Insee dans les années 80, explique à Novethic l’économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), François Geerolf. Comment l’expliquer ? Par l’inflation alimentaire, elle aussi inédite, liée à la baisse du pouvoir d’achat. "Les salaires n’ont pas augmenté aussi rapidement que les prix", explique le spécialiste. En octobre, l’Insee comptait ainsi une hausse de +7,8 % des prix alimentaires. 
Le bilan du dernier baromètre de NielsenIQ paru à la mi-novembre pour le magazine LSA était déjà frappant : "Aujourd’hui, l’Hexagone est le pays où les prix ont le plus augmenté depuis janvier 2022", notait le panéliste qui a passé au grill les prix de milliers de produits de grande consommation dans sept pays européens. Résultat, la France fait partie des pires pays européens en la matière. À cela s’ajoute l’aggravation de la pauvreté sur le territoire. D’où les appels aux dons des associations de précarité alimentaire qui n’arrivent pas à répondre à la demande. 
Une autre étude, cette fois de Cways/Fondation Nestlé France est venue enfoncer le clou le 16 novembre : 37% des Français se déclareraient en insécurité alimentaire en 2023 contre 11% en 2015. Les jeunes, les femmes, les personnes seules et les familles monoparentales sont particulièrement touchées. "Frappés par l’inflation, les ménages privilégient les produits premiers prix, réduisent les quantités et éliminent les aliments comme le poisson et la viande pour s’orienter vers les féculents ou les conserves", résume dans Challenges, Pascale Hébel (CWays), spécialiste des comportements alimentaires.

Sobriété ou austérité 


La filière bio par exemple, en a fait les frais. Contraints de réaliser des arbitrages, les consommateurs se détournent de ces produits après une forte croissance des ventes ces dernières années. Certains producteurs de lait bio sont ainsi obligés de vendre leur produit au prix du lait conventionnel. Un manque à gagner colossal qui met en péril toute la filière.
Au-delà du prix, le bio est traversé par une crise de confiance des consommateurs et concurrencé par les produits locaux, régionaux, les mentions sans pesticide, sans OGM, sans huile de palme… "L’agriculture bio a-t-elle un avenir ?", s’interroge François Geerolf. Pour l’économiste tout va dépendre de l’évolution des revenus. "Je ne suis pas très optimiste d’un point de vue macro", confie-t-il.
Quant au renoncement à la viande ou au poisson, à la baisse de volume en général, d’aucuns pourraient y voir une tendance à la sobriété. "Le rapport à la consommation des Français est en train d’évoluer", affirmait récemment à Novethic Emily Mayer, analyste spécialiste du secteur. "Le gaspillage alimentaire devient, en ce moment, un vrai sujet. On jette 27 kg de nourriture par individu et par an, si chaque Français commence à faire attention, effectivement les volumes pourraient baisser", avance-t-elle. 
Reste que cette déconsommation subie repose en grande partie sur les plus pauvres. 42% des Français les plus précaires sont contraints de sauter un repas. Or "la sobriété sans égalité, c’est l’austérité pour les plus pauvres", écrit l’économiste Maxime Combes dans une tribune.
Marina Fabre Soundron

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