Opioïdes : le cauchemar américain : épisode • 1/3 du podcast Toxicomanies : un monde accro

Quand elles ne tuent pas, les overdoses laissent d’importantes séquelles sur les milliers de victimes de la crise des opioïdes, à Hagerstown, le 21/06/22 ©AFP - Spencer Platt
Quand elles ne tuent pas, les overdoses laissent d’importantes séquelles sur les milliers de victimes de la crise des opioïdes, à Hagerstown, le 21/06/22 ©AFP - Spencer Platt
Quand elles ne tuent pas, les overdoses laissent d’importantes séquelles sur les milliers de victimes de la crise des opioïdes, à Hagerstown, le 21/06/22 ©AFP - Spencer Platt
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Démarrée dans les années 1990, la crise des opioïdes atteint des proportions inédites aux États-Unis avec plus de 100 000 décès par overdose en 2021. En cause notamment, le Fentanyl, devenu la première cause de mortalité chez les 18-49 ans.

Avec
  • Élisa Chelle Professeure de science politique à l’université Paris-Nanterre
  • Bertrand Lebovici Médecin addictologue
  • Jean-Sébastien Fallu Professeur agrégé à l'École de psychoéducation de l'Université de Montréal

500 000 Américains morts depuis les années 90, dont plus de 100 000 pour la seule année 2021 : les chiffres égrenés par le Centre de prévention et de lutte contre les maladies attestent de l'ampleur de l'hécatombe provoquée par les opioïdes aux États-Unis. Une crise qui s'aggrave d'année en année, bien aidée par la pandémie de Covid-19 génératrice d'isolement social et de problèmes de santé mentale comme la dépression, terreau propice à la consommation de drogue. Cette réalité, elle semble avoir été prise en compte par Joe Biden qui souhaitait mettre l’accent sur la prévention, plutôt que la répression. Il a annoncé à l’automne 2022 un grand plan d’investissement de 1,5 milliard de dollars pour tenter d’endiguer cette épidémie mortelle. Une politique à l'opposé de celle de Donald Trump, qui avait misé sur la répression contre les cartels mexicains, principale source des substances qui inondent le marché américain. En cause ces dernières années : l’apparition du Fentanyl, un opioïde au taux de létalité 50 fois plus élevé que l’héroïne et désormais première cause de mortalité des 18-49 ans. En 2022, 379 millions de doses ont été saisies. Un record pour ce produit bon marché considéré comme un remède par des jeunes en proie à l’anxiété et à la dépression

Comment expliquer l'apparition de nouveaux opioïdes toujours plus nocifs sur le marché ? Qui en sont les nouveaux consommateurs ? Quelles sont les politiques mises en place pour endiguer l’épidémie d’overdose ?

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Julie Gacon reçoit Elisa Chelle, professeure de science politique à l’université Paris-Nanterre et Bertrand Lebovici, médecin addictologue.

Selon Bertrand Lebovici, la crise des opioïdes trouve sa source dans l'histoire et le fonctionnement de la médecine et de l'industrie pharmaceutique américaine : "Aux États-Unis, l’industrie pharmaceutique a le droit de faire de la publicité sur des médicaments sur ordonnance, ce qui est impossible en Europe. Les frères Sackler ont vraiment inventé une manière de vendre des médicaments de manière agressive et mensongère. L’OxyContin a ainsi séduit des millions d’Américains entre 1995 et 2010."

Selon Elisa Chelle "ce problème d’addiction se constate dans différents groupes sociaux : la population blanche des États en voie de désindustrialisation qui vivent une sorte de désespoir social, les minorités racisées des centres urbains, les populations natives des réserves indiennes et plus récemment les jeunes, touchés massivement."

Pour aller plus loin :

Seconde partie : le focus du jour

En Colombie Britannique, le pari de la décriminalisation pour sauver des vies

Une fresque peinte par un homme qui pleure la mort de sa femme par surdose de fentanyl parmi 128 autres victimes en novembre 2016 en Colombie-Britannique
Une fresque peinte par un homme qui pleure la mort de sa femme par surdose de fentanyl parmi 128 autres victimes en novembre 2016 en Colombie-Britannique
© AFP - Deborah Jones

Avec Jean-Sébastien Fallu, professeur agrégé à l'École de psychoéducation de l'Université de Montréal.

Le 31 janvier dernier, la Colombie-Britannique, province de la côte pacifique canadienne, tente de freiner la crise des opioïdes en dépénalisant la détention de petites doses de drogues, opioïdes, mais aussi cocaïne et ecstasy. Une décision qui s'inscrit dans une réflexion de plus long terme. Face aux ravages du Fentanyl, responsable de 90 % des 14 000 overdoses constatées sur les sept dernières années, l'administration locale a en effet décrété l'état d'urgence sanitaire dès 2016 dans l'espoir de juguler une épidémie qui frappe les quartiers les plus vulnérables socialement, tel Downtown Eastside à Vancouver. Dans quelle mesure cette dépénalisation pourrait-elle contribuer à réduire les risques, voire à la consommation ?

Pour lutter contre les surdoses, suspendre la criminalisation n’est pas suffisant. Le plan prévoit des fonds pour la réduction des risques : service d’analyse des drogues pour détecter la présence cachée de fentanyl, service de prévention, service d’injections supervisées mais aussi plus largement le développement de politiques de logement et anti-pauvreté” explique Jean-Sébastien Fallu à propos d'un plan de lutte mis en place par l'État.

Références sonores & musicales

Une émission préparée par Bertille Bourdon.

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