Polyarthrite rhumatoïde : tout savoir sur cette arthrite inflammatoire chronique

Mis à jour le par Dora LatyExperte : Dre Caroline Karras Guillibert, rhumatologue

La polyarthrite rhumatoïde est une maladie chronique auto-immune. Elle entraîne une inflammation des articulations qui peut mener progressivement à la destruction progressive du cartilage et des os. C’est une maladie que l’on sait traiter aujourd’hui, à l’aide de médicaments, parfois de la chirurgie, ainsi que grâce à des aides et techniques diverses. Explications avec la docteure Caroline Karras Guillibert, rhumatologue.

Définition : qu'est-ce que la polyarthrite rhumatoïde ?

La polyarthrite rhumatoïde (PR) - autrefois connue sous le nom de polyarthrite chronique évolutive (PCE) - est une maladie chronique auto-immune (l’organisme produit des anticorps dirigés contre lui-même). Elle fait partie des arthropathies inflammatoires communément désignées sous le terme d’arthrites.

On estime qu’entre 0,5 % et 1 % de la population est concerné par la PR, sachant que les femmes sont deux à trois fois plus impactées que les hommes. Elle peut survenir à tout âge, mais se manifeste le plus fréquemment entre 40 et 60 ans. La polyarthrite rhumatoïde de l’enfant est une maladie rare.

Cette maladie entraîne une inflammation des articulations surtout périphériques (mains, pieds, mais aussi genoux, hanches…), parfois axiales (colonne vertébrale cervicale). Elle se caractérise par une synovite agressive : on observe d’abord la présence de quelques cellules inflammatoires, la multiplication des vaisseaux, puis un épaississement considérable du tissu synovial (aussi appelé "pannus"). Résultat ? Le cartilage s’érode et s’amincit, puis l’os (au sein duquel apparaissent des encoches ou des géodes) se déminéralise tout autour de l’articulation. Rapidement, les tendons et les ligaments peuvent être aussi attaqués et se rompre.

Une maladie handicapante sur le long terme

La polyarthrite rhumatoïde évolue par poussées et conduit donc à une destruction progressive des articulations.

La docteure Caroline Karras Guillibert, rhumatologue, nous explique ce qui favoriserait ces crises : « Aujourd’hui, il n’y a pas de consensus sur les facteurs de déclenchement des crises, mais on sait que le stress psychologique (l’angoisse, la survenue d’un évènement) ou le stress qui va toucher le corps, comme une grippe, une infection, sont des facteurs favorisants ».

Les gestes les plus simples (ouvrir une boîte, se coiffer…) deviennent alors difficiles à exécuter, ce qui a des répercussions sur le plan psychologique, social et professionnel.

Mais cette évolution peut être freinée grâce à une prise en charge adaptée. Sans traitement, cette maladie peut être très invalidante et atteindre les organes vitaux comme le cœur, les poumons

La polyarthrite rhumatoïde peut être reconnue au titre d’une affection de longue durée (ALD). Les examens et les soins en rapport avec cette maladie sont alors pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie.

Causes : à quoi est due la polyarthrite rhumatoïde ?

La polyarthrite rhumatoïde est regardée comme une maladie auto-immune puisqu’elle implique la production par l’organisme d’auto-anticorps ou anticorps dirigés contre certains composants articulaires et impliqués dans la destruction de l’articulation. En outre, le dérèglement du système immunitaire est responsable d’une réaction inflammatoire diffuse pouvant atteindre d’autres organes dont notamment les vaisseaux sanguins.

L’origine de la polyarthrite rhumatoïde reste encore inconnue. Mais plusieurs facteurs pourraient jouer un rôle dans le déclenchement de la maladie comme un terrain génétique favorable mais aussi des facteurs environnementaux et hormonaux.

 

Quels sont les facteurs de risque de la polyarthrite rhumatoïde ?

Les facteurs de risque de la polyarthrite rhumatoïde sont :

  • un terrain génétique favorable : l’implication de certains gènes, comme le HLA-DRB1 et le PTPN22, est clairement démontrée. Attention, ces gènes ne sont toutefois pas toujours présents chez les malades. La prédisposition familiale est ainsi inconstante ;
  • des facteurs dits environnementaux, en particulier le tabagisme, mais aussi des traumatismes ou chocs émotionnels ;
  • le sexe : la maladie est deux à trois fois plus fréquente chez les femmes que chez les hommes ;
  • des facteurs hormonaux : les estrogènes, hormones sexuelles féminines jouent un "rôle protecteur" de la maladie. La polyarthrite rhumatoïde survient le plus souvent au moment de la ménopause et on observe fréquemment une rémission de la maladie pendant la grossesse avec survenue d’une poussée après l’accouchement.
  • l’âge : le pic d’apparition de la maladie se situe vers 45 ans. La maladie est moins fréquente chez le sujet jeune et rare chez l’enfant.

La PR est souvent associée à d’autres maladies auto-immunes comme le syndrome de Gougerot-Sjögren (atteinte des glandes muqueuses, notamment des glandes salivaires et lacrymales), la thyroïdite d’Hashimoto ou le diabète.

Quels sont les symptômes de la polyarthrite rhumatoïde ?

Les premiers symptômes de la polyarthrite rhumatoïde peuvent être discrets :

  • légère fièvre ;
  • fatigue surtout en fin de journée ;
  • perte d’appétit ;
  • raideur matinale articulaire (pendant au moins 30 minutes).

Puis des signes apparaissent au niveau des articulations atteintes (poignets, doigts, coudes, rachis cervical, pieds, genoux, chevilles, hanches, épaules…). Elles deviennent, le plus souvent des deux côtés :

  • raides ;
  • douloureuses ;
  • gonflées ;
  • rouges ;
  • chaudes.

Si l’ensemble de ces symptômes est présent depuis au moins 6 semaines, une polyarthrite rhumatoïde peut être suspectée. Il est alors nécessaire de consulter son médecin traitant pour que le diagnostic soit posé le plus tôt possible.

Quelle est l'évolution de la polyarthrite rhumatoïde ?

La maladie progresse par poussées douloureuses. Les mouvements sont de plus en plus limités. Des déformations et des rétractions se produisent au niveau des articulations touchées :

  • les doigts dévient sur le côté ou se replient sur eux-mêmes ;
  • des cors et durillons sur les pieds gênent la marche ;
  • un syndrome du canal carpien apparaît sur les poignets ;
  • les coudes restent fléchis ;
  • les épaules et le dos sont difficilement mobiles ;
  • des nodules peuvent apparaître dans les zones de traumatismes et de frottements.

L’évolution de la polyarthrite rhumatoïde est imprévisible et peut générer des problèmes extra-articulaires : cardiaques (péricardite, angine de poitrine, infarctus…), vasculaires (AVC), pulmonaires (fibrose…), oculaires, neurologiques (névrites), osseuses (ostéoporose), cutanés (ulcères)… 

À noter : il existe des formes sévères qui évoluent rapidement et peuvent aboutir à des handicaps sévères en une ou deux années. Mais la polyarthrite rhumatoïde peut également être bénigne et guérir spontanément en entraînant pas ou peu de gêne.

Comment peut-on prévenir la polyarthrite rhumatoïde ?

Il n’existe pas de conseils de prévention à proprement parler, d’autant que la maladie recouvre des formes très distinctes selon les patients.

Toutefois, le fait de ne pas fumer semble diminuer le risque de développer la maladie. Veillez aussi à manger équilibré (afin d’éviter un surpoids délétère pour vos articulations) et à pratiquer uneactivité physique régulière.

Évitez de porter des charges trop lourdes, ne restez pas statique trop longtemps et évitez de piétiner.

Diagnostic : comment savoir si on a une polyarthrite rhumatoïde ?

La polyarthrite rhumatoïde doit être diagnostiquée le plus précocement possible afin de mettre en place une prise en charge appropriée avant l’apparition de dommages irréversibles.

Le diagnostic repose sur la conjonction de différents éléments :

  • un interrogatoire et des signes cliniques au niveau des articulations ;
  • des examens d’imagerie médicale : radiographies des mains, des pieds, des articulations touchées et souvent du rachis. (Une échographie, un scanner ou une IRM sont parfois pratiqués) ;
  • des analyses biologiques : mesure de marqueurs d’inflammation (VS et CRP) et recherche de la présence d’auto-anticorps ACPA ou anti-CPP ainsi que d’un autre marqueur de l’auto-immunité appelé facteurs rhumatoïdes. La détermination du génotype HLA-DR est aussi utilisée par certains médecins ;
  • une analyse du liquide articulaire après ponction, montrant la présence d’un liquide très inflammatoire est parfois pratiquée.

Quels sont les traitements de la polyarthrite rhumatoïde ?

La prise en charge de ce rhumatisme inflammatoire chronique est globale et vise à soulager la douleur, stabiliser les lésions existantes et prévenir l’apparition de nouvelles lésions. Pour être efficace, elle doit être la plus précoce possible. Par ailleurs, elle est adaptée à chaque personne selon l’importance de la maladie, l’efficacité des médicaments et la manière dont ils sont tolérés.

Lutter contre les douleurs

Le traitement médicamenteux repose sur :

  • des antalgiques pour calmer la douleur ;
  • des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), qui traitent la douleur et la raideur matinale et peuvent être prescrits en association avec le traitement de fond lorsque celui-ci ne soulage pas suffisamment les symptômes ;
  • des corticoïdes, si nécessaire, en association avec un traitement de fond. Ils réduisent l’inflammation et sont efficaces à faibles doses.

L’importance d’un traitement de fond

Ce traitement est adapté en fonction des personnes. Il consiste à ralentir l’évolution de la maladie à l’aide :

  • d’un immunosuppresseur dit de "synthèse" : le méthotrexate, fréquemment utilisé en première intention ;
  • d’un des médicaments de la biothérapie : le plus souvent anticorps monoclonal anti-TNF, qui permet d’inhiber le facteur TNF-alpha, un des principaux vecteurs de l’inflammation. Ces médicaments permettent de stopper ou de modérer l’évolution de la maladie.
  • d’un inhibiteur enzymatique des Janus kinases (diminuant l’inflammation chronique) : le tofacitinib, administré par voie orale en association avec le méthotrexate en cas de polyarthrite rhumatoïde active modérée à sévère, chez les patients adultes ayant présenté une réponse inadéquate ou une intolérance à un ou plusieurs traitements de fond. En cas d’intolérance au méthotrexate ou lorsque le traitement avec le méthotrexate est inadapté, le tofacitinib peut toutefois être administré seul.

Le docteure Caroline Karras Guillibert, rhumatologue, précise « le traitement de fond doit être pris en continu, et pas seulement lors des poussées. Ce traitement consiste à mettre la maladie en sommeil pour qu’elle ne s’exprime plus. C’est un traitement qui nécessite une surveillance accrue : il faut surveiller qu’il fasse bien son effet et qu’il soit bien pris, car si la maladie évolue, elle va détruire les articulations, ce qui finira par compromettre la fonction articulaire ».

La spécialiste ajoute : « le traitement doit être pris à vie, car on ne sait pas guérir la polyarthrite rhumatoïde. Mais il faut bien préciser que de nos jours, on dispose d’un véritable arsenal thérapeutique, et on comprend de mieux en mieux cette maladie. À part des cas rarissimes de personnes qui échappent au traitement, la polyarthrite de la plupart des patients est contrôlée. Ces vingt dernières années, on a fait des progrès immenses. Quand je diagnostique une polyarthrite rhumatoïde, je précise bien au patient qu’aujourd’hui, on peut vivre normalement, en oubliant sa maladie. »

 

 

Certaines règles doivent être appliquées avant la mise en route d’un traitement de fond, car celui-ci est immunosuppresseur et contre-indiqué en cas de grossesse :

  • prescription d’une contraception efficace chez une femme en âge de procréer ;
  • mise à jour des vaccinations ;
  • recherche de foyers infectieux ; en particulier, la recherche d’une tuberculose latente ;
  • prescription d’un bilan biologique sanguin : numération formule sanguine, bilan inflammatoire, bilan hépatique, bilan rénal.

Un traitement chirurgical peut être envisagé

Quand les lésions sont trop importantes et gênent les mouvements dans la vie quotidienne, il est nécessaire d’avoir recours à la chirurgie (sur avis d’une équipe médicale pluridisciplinaire). Selon l’avancement de la maladie, il peut s’agir :

  • d’une synovectomie (ablation partielle ou totale de la membrane synoviale) pour prévenir la destruction articulaire lorsque le traitement est insuffisant ;
  • du remplacement d’une articulation par une prothèse, lorsque l’articulation est détruite ;
  • d’une arthrodèse arthroscopique ou chirurgicale (fixation de l’articulation).

Rééducation : une approche pluridisciplinaire est indispensable

Les rôles du kinésithérapeute, pour assouplir les articulations, et de l’ergothérapeute sont primordiaux pour permettre une réadaptation physique et sociale du malade dans la vie de tous les jours. En effet la prise en charge de cette maladie doit être pluridisciplinaire. Plusieurs spécialistes peuvent intervenir, en fonction de l’évolution de chaque patient : du rhumatologue au chirurgien orthopédiste en passant par le psychologue, ou l’assistant social.

Les recherches se poursuivent activement dans le but d’obtenir davantage de rémissions prolongées et, à terme, l’éradication de la maladie.

Médicaments associés

Voir tous les médicaments associés à polyarthrite rhumatoïde

Associations nationales de patients

Mis à jour le par Dora LatyExperte : Dre Caroline Karras Guillibert, rhumatologue

Sujets associés