Lorsque le président [équatorien], Lenín Moreno, a annoncé l’état d’urgence, le 16 mars dernier, nous avons cru naïvement que nous allions pouvoir arrêter à temps ce virus dont nous observions les ravages de loin. À ce moment-là, 58 cas de coronavirus avaient été confirmés [en Équateur] et les deux premiers décès enregistrés. Des chiffres loin de ceux de l’Espagne, qui deux jours plus tôt avait déclaré l’état d’alerte avec 6 391 cas de Covid-19 et 186 décès.

La première victime en Équateur a été une femme de 71 ans, de retour d’Espagne, testée positive au Covid-19 le 29 février, qui s’est ensuite battue contre le virus pendant deux semaines dans l’unité de réanimation de l’hôpital Guasmo, à Guayaquil, avant de mourir. Nous pensions que nous serions en sécurité. Mais ce fut sans doute une erreur de nous comparer à l’Espagne.

Fosse commune

En ce moment, Guayaquil, où j’habite depuis quatorze ans, fait la une de l’actualité internationale à cause de “la crise des cadavres” et de la gestion catastrophique des corps des personnes qui, par dizaines, ont commencé à mourir chez elles.

C’est un symptôme supplémentaire de l’incompétence des autorités et de l’effondrement de notre système de santé. Fin mars, 450 corps attendaient d’être pris en charge par le service de médecine légale de la police. Certes, toutes ces personnes n’étaient pas mortes du Covid-19, mais en raison des symptômes présentés, on peut présumer qu’un grand nombre d’entre elles avaient été contaminées.

Pour parer au plus pressé, le gouvernement et les élus municipaux ont envisagé la possibilité d’ouvrir une fosse commune, une idée qui a suscité un certain malaise et qui a ensuite été écartée par le président. Ce dernier a plaidé en faveur d’enterrements dignes et individuels, tout en laissant cette question en suspens : mais quand ?

Cette fosse commune qui n’a jamais vu le jour répondait à une réalité tragique : de nombreuses personnes ont été abandonnées à elles-mêmes et sont mortes chez elles.

L’Équateur, épicentre régional du virus

Leurs proches ne peuvent pas les pleurer, car ils doivent les enterrer au plus vite afin d’éviter l’odeur des corps en décomposition. C’est d’ailleurs cette raison qui a conduit beaucoup d’entre eux à sortir les morts sur les trottoirs, au risque de contracter le virus mortel.

Et comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, certains ne peuvent même pas faire leurs adieux, parce que les corps ont disparu. C’est le cas de la famille du chirurgien pédiatrique