Ce que dit la rumeur
Tout part d’une publication rapportant l’histoire d’« une dame dont la maman est décédée d’un cancer » mais dont l’acte de décès aurait « reçu la mention “Covid-19” ». L’auteur du message l’explique par le fait que « l’hôpital reçoit un subside de 5 000 euros à chaque décès dû au virus ». Les établissements auraient ainsi tout intérêt à falsifier les certificats de décès de leurs patients.
Très relayé sur les réseaux sociaux, ce témoignage viendrait d’une « source sûre » qui n’est toutefois pas mentionnée, et serait la preuve que les « statistiques » de morts liées au Covid-19 sont « complètement fausses ». De nombreuses histoires similaires ont été partagées sur Facebook et Twitter.
En commentaires, des dizaines d’internautes témoignent à leur tour, assurant qu’un membre de leur famille a été victime du même procédé :
POURQUOI C’EST FAUX
Cette rumeur ne date pas d’aujourd’hui. Elle circulait déjà en Belgique au mois d’août. Le ministère de la santé publique et plusieurs centres hospitaliers du royaume avaient alors démenti l’existence d’une telle prime dans le pays, comme le rapporte l’agence de presse DPA.
Aujourd’hui, c’est le même témoignage qui est largement diffusé en France. Pourtant, ici, aucune prime n’est versée en fonction du nombre de patients morts des suites du nouveau coronavirus. Le ministère des solidarités et de la santé, joint par Le Monde, « dément formellement cette information qui ne repose sur aucune information ni données ».
Un « soutien financier » aux hôpitaux
Le gouvernement a versé des « primes Covid », mais destinées « aux personnels des établissements de santé publics et privés qui ont été mobilisés pendant la crise », et non aux hôpitaux, précise le ministère de la santé.
Cette prime, destinée à récompenser « le dévouement des personnels soignants », peut atteindre 1 500 euros pour les professionnels « travaillant dans les départements les plus touchés par le Covid-19 ». Mais elle ne dépend en aucun cas de quotas de patients morts du Covid-19. Plus de 1,24 milliard d’euros ont déjà été alloués à la date du 24 septembre, selon les chiffres donnés par le ministère.
Les hôpitaux, eux, ont reçu un « soutien financier » et non des primes. En avril et en mai, 475 millions d’euros ont ainsi été versés aux établissements de l’ensemble des régions pour « faire face aux surcoûts qu’ils ont supportés », et 10 millions d’euros ont été apportés aux « projets de recherche labellisés », ajoute le ministère de la santé.
Pour déterminer la mort d’une personne, il existe un processus légal très encadré en France. Ce sont des médecins qui « constatent et déclarent un décès sur le certificat de décès », détaille Santé publique France. Ce document est divisé en deux parties : une administrative et une médicale. C’est dans la partie médicale que le médecin inscrit les causes de la mort, qui sont « soumises au secret médical ».
Les causes du décès peuvent ensuite être rédigées en deux parties. La première permet d’indiquer les causes directement responsables du décès. La seconde est réservée aux causes associées. Elle peut être utilisée pour signaler des comorbidités ou des antécédents médicaux, si la personne avait du diabète ou de l’hypertension par exemple, sans que ces facteurs soient directement responsables du décès.
Dans ces deux parties, le médecin peut inscrire une suspicion de Covid ou bien donner une confirmation biologique (généralement si le patient avait eu un test positif par RT-PCR avant sa mort). Ce certificat de décès peut être électronique ou rédigé sur papier.
« Méthodologie recommandée par l’OMS »
Pour communiquer chaque jour le nombre de morts dus au Covid-19 en France, les pouvoirs publics s’appuient sur l’outil Si-Vic, système d’information pour le suivi des victimes, mis en place après les attentats de 2015, et sur les remontées des établissements médico-sociaux, principalement les Ehpad.
L’outil Si-Vic travaille selon « une méthodologie recommandée par l’OMS », explique le ministère de la santé. Dans un document publié le 20 avril, l’organisation précise qu’un décès est considéré comme dû au Covid s’il résulte « d’une maladie cliniquement compatible, chez un cas probable ou confirmé de la COVID-19, en l’absence de toute autre cause évidente de décès sans lien avec la maladie à coronavirus (par exemple, un traumatisme) ».
Concrètement, si un malade en très bonne santé meurt subitement avec des symptômes correspondant à ceux du Covid-19 ou s’il s’est révélé positif par test RT-PCR, son décès sera comptabilisé sur la plate-forme. L’OMS précise qu’aucune « période de rémission complète » du Covid-19 ne doit avoir eu lieu entre la maladie et le décès.
Pour les patients décédés qui souffraient d’autres pathologies, c’est plus délicat. L’OMS indique qu’« un décès dû [au] Covid-19 ne peut pas être imputé à une autre maladie (par exemple, à un cancer) et doit être comptabilisé indépendamment des affections préexistantes qui sont soupçonnées d’avoir déclenché une évolution grave [du] Covid-19 ».
En résumé, aucune prime n’est versée aux hôpitaux en fonction du nombre de morts du Covid-19 qu’ils déclarent. Mais en raison d’un surcroît d’activité majeur, en particulier au printemps, les hôpitaux ont reçu des dotations pour y faire face et les personnels ont reçu des primes exceptionnelles.
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