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Facebook : les critiques s’accumulent

En moins d’un mois, une série d’événements, la plupart enclenchés par les révélations d’une ex-employée qui a diffusé de nombreux documents internes, a fragilisé le plus grand réseau social du monde.

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Publié le 06 octobre 2021 à 13h30, modifié le 25 octobre 2021 à 14h00

Temps de Lecture 6 min.

Depuis la mi-septembre, Facebook est secoué par une série d’accusations et de controverses.

Depuis la mi-septembre, Facebook est secoué par une série d’accusations et de controverses. Après la publication, à partir du 13 septembre dans le Wall Street Journal, d’une série d’articles basés sur des documents emportés par une ancienne employée du réseau social, Frances Haugen, l’entreprise s’est vu accuser d’avoir traîné ou insuffisamment agi sur des sujets aussi différents que la désinformation ou la protection des mineurs. Tour d’horizon des reproches adressés à l’entreprise.

  • Des documents incriminants

Les documents copiés par Mme Haugen – plusieurs milliers de pages – sont pour l’essentiel des présentations de travaux internes menés par les chercheurs de Facebook. Très précis, ils montrent que les responsables de l’entreprise ne pouvaient ignorer un certain nombre de problèmes exacerbés ou causés par leurs applications, allant de la manière dont la désinformation se diffuse sur le réseau social aux impacts sur la santé mentale des adolescents, en passant par la façon dont des groupes criminels ont utilisé Facebook pour recruter des victimes de trafic d’êtres humains. Seule une petite partie des documents, concernant principalement Instagram, a été pour l’instant rendue publique, mais Mme Haugen dit avoir transmis l’ensemble de ces fichiers à la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme de la Bourse américaine. Facebook a de son côté expliqué que le contenu des documents avait été déformé dans les articles parus dans le Wall Street Journal, que les études citées étaient parcellaires et qu’elles ne « refl[étaient] pas ce qu’est l’entreprise », comme l’a écrit, ce 5 octobre, Mark Zuckerberg.

  • Un front uni des élus américains

Depuis au moins quatre ans, les élus américains sont d’ordinaire très divisés sur le sujet de Facebook. Les républicains, dans le sillage de Donald Trump, sont obsédés par la supposée « censure » dont seraient victimes selon eux les voix conservatrices, tandis que les démocrates insistent sur les manquements de l’entreprise en matière de modération.

Mais durant les deux dernières auditions au Sénat, le 5 octobre pour Mme Haugen et le 30 septembre pour la responsable de la sécurité de Facebook, Antigone Davis, les élus des deux bords ont présenté un front globalement uni. Lors de ces deux auditions consacrées à l’impact d’Instagram sur les adolescents, les sénateurs ont fait preuve d’une forme d’unité rare pour dénoncer les dégâts présumés que causerait le réseau social. « Sur ce dossier [Instagram], nos désaccords sont marginaux », a dit ce jeudi le sénateur démocrate Richard Blumenthal, qui dirige la commission au commerce du Sénat, à l’adresse de ses collègues républicains. Démocrates et républicains ont d’ailleurs cosigné un projet de loi visant à imposer toute une série de contrôles supplémentaires aux réseaux sociaux utilisés par des mineurs.

  • Instagram Kids mis « sur pause »

Face aux critiques visant Instagram, Facebook a annoncé ce 27 septembre qu’il mettait « sur pause » son très décrié projet intitulé Instagram Kids, une version de son réseau social destiné aux enfants de moins de 13 ans, qui n’ont – du moins en théorie – pas le droit d’utiliser Instagram. Mais l’annonce n’a fait que renforcer les suspicions de ceux critiquant Facebook, qui y ont vu un aveu de la dangerosité supposée du réseau social pour les plus jeunes ; le choix d’une « pause » plutôt que d’une annulation pure et simple a par ailleurs valu à Antigone Davis de multiples critiques lors de son audition au Sénat, la responsable de la sécurité de Facebook ayant refusé de dire si – et quand – une décision d’annulation serait prise. Facebook a souligné de son côté que ces mêmes études montraient que la majorité des utilisateurs d’Instagram estimaient, lorsqu’ils étaient sondés, que le réseau social avait un impact positif sur leur santé mentale, en leur permettant de rester en contact avec leurs proches.

  • De nouvelles procédures probables de la part du gendarme de la Bourse

Les documents transmis par Mme Haugen à la SEC pourraient ouvrir un nouveau front des régulateurs américains contre Facebook, alors qu’une procédure pour suspicion d’abus de position dominante concernant le rachat par le groupe d’Instagram et de WhatsApp est déjà en cours. Selon Mme Haugen, Facebook a menti à plusieurs reprises à ses investisseurs, notamment quant à son nombre d’utilisateurs réels – elle s’appuie entre autres sur des études mesurant le nombre d’inscrits qui utilisent plusieurs comptes.

  • D’autres auditions à prévoir chez les régulateurs

Les documents de Mme Haugen ont suscité l’intérêt de nombreux autres régulateurs et élus, aux Etats-Unis comme ailleurs dans le monde. Le Parlement européen a fait part de son souhait d’auditionner l’ancienne employée de Facebook, tout comme la commission du Parlement américain qui enquête sur l’attaque du Capitole par des partisans de Donald Trump le 6 janvier. Cette dernière suspecte Facebook d’avoir joué un rôle dans la manière dont les partisans du président sortant se sont organisés ; Mme Haugen elle-même affirme que l’attaque est, en partie, une conséquence de la dissolution de l’équipe « intégrité civique » dans laquelle elle travaillait, juste après l’élection de Joe Biden. Facebook conteste avec véhémence ces accusations, expliquant avoir au contraire fait le choix d’intégrer des personnes chargées de l’« intégrité civique » au sein de toutes ses autres équipes.

  • Le rôle de Mark Zuckerberg en question

Depuis les premières publications du Wall Street Journal, le rôle joué par le fondateur de Facebook dans un certain nombre de décisions a été régulièrement évoqué par la presse, les élus américains et Mme Haugen. « Mark ne répond qu’à une seule personne : Mark lui-même », a déclaré l’ancienne employée de Facebook au Sénat, ce 5 octobre, tout en jugeant que le fondateur n’était pas « animé de mauvaises intentions ». Dans son courrier transmis à la SEC, elle estime qu’à plusieurs reprises le fondateur du groupe a tranché afin de limiter ou bloquer des évolutions techniques qui auraient pu réduire certains problèmes sur Instagram ou Facebook, pour privilégier la croissance du nombre d’utilisateurs ou les bonnes statistiques d’activité sur les différentes plates-formes.

Dans un message publié ce 5 octobre, M. Zuckerberg a défendu son bilan de manière véhémente. « Au cœur de ces accusations se trouve l’idée que nous donnons la priorité aux profits plutôt qu’à la sécurité et au bien-être de nos utilisateurs », écrit-il. Or, argumente-t-il, le changement majeur de l’algorithme de Facebook en 2018 « a limité le nombre de vidéos virales dans le fil d’actualité, pour privilégier celles publiées par les amis et la famille nous l’avons mis en place en sachant pertinemment qu’après ce changement les utilisateurs passeraient moins de temps sur Facebook, mais nos recherches montraient que c’était la bonne chose à faire pour le bien-être des utilisateurs. Est-ce vraiment ce que ferait une entreprise qui place ses profits avant ses utilisateurs ? »

  • Les algorithmes d’affichage au cœur des débats

Les multiples reproches adressés à Facebook ces dernières semaines se concentrent, pour la plupart, sur les algorithmes utilisés par le réseau social et Instagram pour sélectionner les contenus affichés. La prévalence de messages publiés par des stars sur Instagram est identifiée par les propres chercheurs de Facebook comme un facteur aggravant certains problèmes concernant l’image qu’on a de soi ; les changements importants apportés à l’algorithme de Facebook en 2018 ont de leur côté joué un rôle majeur dans le développement de la haine en ligne et de la désinformation, estime Mme Haugen. Depuis plusieurs années, des élus, des régulateurs et des citoyens critiques envers Facebook plaident pour une plus grande transparence du fonctionnement de ces algorithmes, considérés par le groupe comme son plus important secret industriel.

  • Une panne historique

Sans lien aucun avec les révélations de ces dernières semaines, l’entreprise a par ailleurs fait face à une panne historique, ce 4 octobre, qui a rendu inaccessible l’ensemble des services de WhatsApp, Messenger, Instagram et Facebook pendant environ six heures dans le monde entier. Attribuée par le groupe à une erreur de configuration, vraisemblablement dans les serveurs « BGP » qui orientent le trafic Internet vers ses services, la panne a incidemment démontré à quel point ces derniers étaient centraux pour leurs quelque 3,5 milliards d’utilisateurs cumulés. Un élément qui ne peut qu’alimenter le propos des élus et des régulateurs qui estiment que l’entreprise de Mark Zuckerberg est, aujourd’hui, en situation de monopole ou de quasi-monopole dans des pans entiers de la vie en ligne.

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