Alsace : un projet de géothermie profonde à l'origine de séismes

EXCLUSIF. Les tremblements de terre qui ont secoué la commune de Vendenheim, au nord de Strasbourg, sont bien d'origine humaine. Explications.

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Temps de lecture : 5 min

La France connaît depuis quelques semaines une activité sismique inhabituelle. Depuis le début du mois de novembre, la terre a tremblé près de Pau (magnitude de 3,8), à Strasbourg (3,1 puis 2,6), mais aussi à Saumur (3,5) et à Riom (3,7). La plus importante secousse ressentie au Teil (en Ardèche), proche de Montélimar, a atteint le niveau record de 5,4 sur l'échelle de Richter et a provoqué de nombreux dégâts.

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Lire aussi Quels effets du séisme de Montélimar sur les centrales nucléaires ?

Le Point a révélé que les autorités s'interrogent sur une possible origine humaine du séisme de Teil, survenu le 11 novembre. L'exploitation d'une carrière au-dessus d'une faille géologique a pu être à l'origine des mouvements observés de la croûte terrestre. Les mêmes soupçons pèsent aujourd'hui sur les tremblements de terre alsaciens des 12 et 13 novembre. Des sources concordantes nous indiquent en effet que les secousses se sont singulièrement multipliées depuis que la société Fonroche, spécialisée en géothermie profonde, a commencé une campagne de forage sur la commune de Vendenheim (Bas-Rhin), à 10 km au nord de Strasbourg.

120 séismes au nord de Strasbourg depuis janvier  !

Pour la seule année 2019, près de 120 événements sismiques ont été enregistrés sur ce territoire (contre 34 en 2018, 4 en 2017, et ce, alors qu'il n'y en avait eu aucun en 2015 et en 2016). Un rapport confidentiel pointe que ces épisodes « se produisent à des périodes données, que l'on pourrait associer aux essais de stimulation » du sous-sol par l'entreprise Fonroche. Ce phénomène n'étonne pas les associations de défense de l'environnement, opposées de longue date au projet. Un avis défavorable de la mairie de Vendenheim avait d'ailleurs été rendu le 5 octobre 2015 contre ce chantier. Le maire de cette commune, contacté le 25 novembre, n'a pas donné suite à notre demande d'entretien à l'heure où sont écrites ces lignes.

Stéphane Fratacci, préfet du Bas-Rhin, a fini par signer un arrêté autorisant ces forages géothermiques, le 24 mars 2016. Le site sur lequel est conduit ce programme de géothermie profonde est celui de l'ancienne raffinerie de Reichstett. « Le bassin de rétention des boues de forage est situé dans la zone rouge du plan de prévention des risques technologiques (PPRT)... Or, dans cette zone R, tout nouveau projet industriel est interdit, à l'exception de ceux nécessaires à l'exploitation des installations préexistantes », lit-on sur le site de l'Association de défense des intérêts de La Robertsau.

Zone à risque

Fonroche se contente d'affirmer dans ses outils de communication que le site est « hors périmètre Seveso (en référence à la directive européenne qui vise les sites industriels sensibles) ». Cette société, née en 2011, creuse actuellement un puits de pompage de chaleur à plus de 5,4 kilomètres sous la surface de la Terre pour en extraire de l'eau chaude atteignant 200 degrés Celsius. Le projet était initialement porté par un consortium bénéficiant, depuis 2013, du soutien de l'État en vertu de programmes de subventions encourageant les énergies renouvelables. Ce consortium visait à conduire un ambitieux programme de géothermie profonde à Pau (Pyrénées-Atlantiques). Compte tenu de la complexité de ce dossier, c'est en Alsace qu'a été lancée la phase test.

Or c'est précisément ce projet qui semble être à l'origine des deux incidents sismiques survenus les 12 et 13 novembre derniers. La direction de Fonroche n'a pas souhaité répondre à nos questions. Mais l'entreprise a publié, le 12 novembre, un communiqué dans lequel elle affirme que son usine de Vendenheim était « à l'arrêt depuis le 8 novembre au matin », soit quatre jours avant la secousse. Cela ne permet pas d'exclure tout lien entre le tremblement de terre observé et le forage. Une activité sismique différée est en effet possible jusqu'à une semaine après qu'une faille a été stimulée, affirment plusieurs géologues consultés.

Répercussions sur la centrale de Fessenheim

Les cadres dirigeants de la société Fonroche doivent être auditionnés, cette semaine, par les services préfectoraux avant d'envisager une reprise des travaux. Contactée, la préfecture ne confirme ni n'infirme ce rendez-vous, se contentant de déclarer que des échanges ont eu lieu avec Fonroche dès le lendemain du séisme puis le 21 novembre. « L'analyse des causes se poursuit en lien avec le Réseau national de surveillance sismique », expliquent les services de l'État. La préfecture n'en reconnaît pas moins que les secousses ont eu lieu « après des opérations de tests d'injection destinées à vérifier le bon fonctionnement de la boucle géothermale (qui) peuvent provoquer de la micro-sismicité ». Une forme d'aveu.

Plusieurs sources s'inquiètent d'autant plus de la poursuite du forage que, selon des indiscrétions, plusieurs irrégularités ont été constatées. Confronté à un nombre important de sinistres, le site ne serait ainsi plus assuré. Par ailleurs, plusieurs opposants au projet s'interrogent sur le niveau de pression exercée au plus profond du puits. Dépasse-t-il les limites autorisées  ? C'est ce que laissent entendre plusieurs témoignages recueillis.

La présence de la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin) à un peu plus de 110 kilomètres de là, mais dans le prolongement de la faille géologique exposée, est évidemment source d'inquiétude. EDF assure que le fonctionnement des deux réacteurs de ce site n'a pas été affecté par le séisme.

L'Alsace a déjà connu des incidents similaires en 2003. Plus de 80 séismes ont été enregistrés cette année-là, au moment du forage des puits de la centrale géothermique de Soultz-sous-Forêts (Bas-Rhin), à une quarantaine de kilomètres au nord de Vendenheim. Sur le site internet de Fonroche Géothermie, l'entreprise affirme conduire des explorations sur huit sites en France : outre celui du Bas-Rhin, ces projets concernent l'Allier et le Puy-de-Dôme (permis Allier-Andelot), la Drôme et l'Ardèche (permis Val de Drôme) les Bouches-du-Rhône et le Gard (Vistrenque). Coïncidences troublantes. Fonroche affirme conduire des projets semblables à Riom      (Puy-de-Dôme), où a été observée une activité sismique récente. Ainsi qu'à Cézallier (à cheval sur le Cantal et le Puy-de-Dôme), à Arzacq, à Pau-Tarbes (Pyrénées-Atlantiques), où là encore des tremblements de terre ont été enregistrés depuis début novembre.

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Commentaires (12)

  • Mayen

    Rien de plus... Naturel et poir des magnitudes plutôt faibles.
    Mais bon si même la géothermie pose encore un probléme pour les écolos...

  • Papyboss

    Il ne faut pas oublier que le continent africain remonte vers le Nord à une vitesse lente mais constante de 1 à 2 cm/an et est déjà entré en collision avec l'Europe depuis plus de 60 millions d'années, avec comme conséquences, la formation des Alpes, la surrection des Pyrénées car elle pousse l'Espagne qui passe sous le sud de la France et de très nombreuses déformations intracontinentales.
    Ce phénomène de la dérive des continents, cette tectonique des plaques, entraine la formation de failles par la fracture des blocs rigides. Ces blocs de tailles très différentes, ne jouent pas entre eux de façon permanente. Mais les forces s'accumulent pendant des décennies voire des siècles et, quand les forces accumulées ceviennent supérieures à la résistance aux frottementss, il y a déplacement brutal et un séisme nait qui peut être violent comme celui de l'Albanie. Ce pays comme le zone des Apennins en Italie ou la Grèce, la Turquie, du Magreb, sont souvent impactés par la poussée de l'Afrique. Quand les blocs sont de petite taille et les déplacements minimes, ce qui est très souvent le cas, les séismes sont imperceptibles par l'homme, seuls quelques animaux les perçoivent et les sismographes. Le pied des Pyrénées, l'est du Massif Central avec le fossé de la Limage et celui du Forez, le fossé Rhénan, la Bretagne, les Ardennes sont souvent sujets à ces microséismes, qui parfois atteignent une magnitude suffisante pour être perceptibles. Ces zones sont extrêmement faillées. Il est bien évident que la moindre intervention d'élément pouvant modifier les résistances aux frottement peuvent favoriser les mouvements sismiques : tel l'eau derrière des barrages peut s'infiltrer sous pression dans le sol et jouer le rôle de lubrifiant, les pompages géothermiques, l'extraction du pétrole, de gaz, sont autant de facteurs favorables à de microdéplacements de blocs, engendrant des microséismes.

  • discret

    Etonnant de voir tous ces commentaires sceptiques sur les conclusions des scientifiques, et ces amalgames fait avec les écologistes et l'écologie.
    La sismicité induite par la géothermie profonde est un fait avéré, elle ne la condamne pas du tout pour peu qu'on soit conscient de ces conséquences potentielles et que l'on adapte en conséquence les paramètres de production.
    Pas plus que la sismicité induite par les extractions d'hydrocarbures (déniée par Elf-Total dans les années 80 sur Lacq, maintenant admise comme partout ailleurs dans le monde), ou parfois par les grandes retenues de barrages (déniée aussi dans la même période par nos champions franco-français d'EDF, mais avérée en de nombreux endroits du globe... ).
    Et l'hypothèse d'une contribution, epsilonesque mais réelle, de la carrière du Teil à un déclenchement un peu plus précoce d'un événement par ailleurs contraint et mû par la technique régionale, n'est absolument pas le fruit d'élucubrations d'écologistes radicaux, mais de constatations scientifiques vérifiables et concordantes.

    Reconnaître un fait n'est pas forcément condamnation (ni Total ni EDF ne sont morts de leurs sismicités induites - quelquefois même à la réflexion ça les arrange... ), c'est toute l'hystérie qui naît autour, soit pour soit contre, qui nourrit la polémique de façon stérile. Un peu de mesure messieurs / mesdames les commentateurs, informez vous avant d'affirmer