Cet article est la traduction de Can COVID vaccines stop transmission ? Scientists race to find answers publié sur Nature.com le 19 février 2021.

Épidémiologie

Des premiers indices suggèrent que les vaccins contre le Covid-19 bloquent la transmission du virus

Des vaccins qui empêchent la propagation du virus et pas seulement les symptômes seraient un atout majeur pour contrôler la pandémie, mais cette caractéristique est difficile à mesurer.

foule masque covid

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La plupart des pays ont entamé des campagnes massives de vaccination contre le Covid-19. Mais alors qu’il est désormais établi que les vaccins disponibles protègent bien contre les symptômes, des études sont encore en cours pour déterminer s’ils empêchent d’être infecté et surtout de transmettre le virus. Si c’est le cas, vacciner un nombre suffisant de personnes suffirait probablement à éteindre la pandémie.

Des analyses préliminaires suggèrent qu’au moins certains des vaccins sont susceptibles de bloquer la transmission virale. Mais il est difficile de le confirmer, et dans quelle mesure ils le font, car une baisse des contaminations dans une région donnée peut s’expliquer par d’autres facteurs comme les mesures de restriction ou les comportements individuels. De plus, les porteurs asymptomatiques peuvent diffuser le coronavirus, ce qui rend difficile la détection de ces transmissions.

« De telles études sont parmi les plus difficiles à réaliser », déclare Marc Lipsitch, épidémiologiste spécialisé dans les maladies infectieuses à l’école de santé publique T. H. Chan de Harvard, dans le Massachusetts. « Nous sommes tous à l’affût, à essayer de voir ce que nous pouvons tirer des bribes de données qui sont rendues publiques », dit-il. Les résultats de certaines études sont néanmoins attendus dans les prochaines semaines.

Stopper les infections ?

Si la plupart des essais cliniques des vaccins contre le Covid-19 ont montré qu’ils préviennent les symptômes de la maladie, les résultats de certains essais suggèrent également que les vaccins peuvent faire barrage à l’infection elle-même. Or un vaccin efficace pour protéger les gens d’une infection par le SARS-CoV-2 contribuerait à réduire la transmission, explique Larry Corey, vaccinologue au centre de recherche sur le cancer Fred Hutchinson à Seattle, dans l’État de Washington.

Au cours de l’essai du vaccin de Moderna, les chercheurs ont effectué des tests PCR à la recherche d’ADN viral chez tous les participants. Ils ont constaté une baisse de deux tiers du nombre d’infections asymptomatiques chez les personnes ayant reçu la première injection du vaccin, par rapport à celles ayant reçu un placebo. Mais les participants n’ont été testés que deux fois, à environ un mois d’intervalle, de sorte que des infections ont pu passer inaperçues.

L’essai du vaccin produit par l’université d’Oxford et AstraZeneca, durant lequel des échantillons ont été prélevés chez les participants chaque semaine, a révélé une réduction de 49,3 % des infections asymptomatiques parmi un sous-ensemble de participants vaccinés par rapport au groupe de contrôle non vacciné.

La société Pfizer, fabricante d’un des principaux vaccins contre le Covid-19, a déclaré qu’elle commencera à prélever des échantillons toutes les deux semaines chez les participants d’essais cliniques en cours aux États-Unis et en Argentine, afin de voir si son vaccin peut prévenir l’infection.

Moins infectieux ?

Il est possible que les vaccins réduisent peu ou pas du tout les risques d’infection. Mais la vaccination pourrait tout de même rendre les personnes infectées moins susceptibles de transmettre le virus, et donc contribuer à réduire la propagation de l’épidémie.

Plusieurs équipes de chercheurs israéliens [pays où le taux de vaccination est le plus élevé au monde, ndt] ont entrepris de mesurer la « charge virale » – la concentration de particules virales – de personnes vaccinées qui ont par la suite été testées positives pour le SARS-CoV-2. Les chercheurs ont en effet mis en évidence que la charge virale est un bon indicateur de l’infectiosité.

Lors de travaux préliminaires, une équipe a observé une baisse significative de la charge virale chez un petit nombre de personnes infectées par le coronavirus entre deux à quatre semaines après l’administration de la première dose du vaccin de Pfizer, par rapport à celles qui ont attrapé le virus dans les deux premières semaines suivant l’injection. « Ces données sont intrigantes et suggèrent que la vaccination peut réduire le caractère infectieux des cas de Covid-19, même si elle ne prévient pas totalement l’infection », déclare Virginia Pitzer, modélisatrice en maladies infectieuses à l’école de santé publique de Yale, dans le Connecticut. L’essai d’Oxford-AstraZeneca a également mis en évidence une réduction de la charge virale plus importante dans un petit groupe de participants vaccinés par rapport à un groupe de non vaccinés.

Mais on ne sait pas encore si ces réductions de la charge virale observées sont suffisantes pour rendre les personnes infectées moins contagieuses dans les conditions réelles, affirment les chercheurs.

L’étalon-or

Pour déterminer avec certitude si les vaccins empêchent la transmission du virus, les chercheurs suivent les contacts proches des personnes vaccinées pour déterminer s’ils sont indirectement protégés de l’infection par le SARS-CoV-2.

Dans le cadre d’une étude en cours portant sur plusieurs centaines de travailleurs de la santé en Angleterre, connue sous le nom de PANTHER, des chercheurs de l’université de Nottingham ont testé les personnels médicaux et les membres de leur foyer à la recherche d’anticorps contre le SARS-Cov-2 ou d’ARN viral entre avril et août de l’année dernière, au sortir de la première vague de la pandémie. Ils vont maintenant tester à nouveau certains des participants après qu’ils auront reçu les doses du vaccin de Pfizer, ainsi que leurs proches qui n’auront pas été vaccinés, pour voir si le risque d’infection a diminué pour ces derniers, explique Ana Valdes, épidémiologiste à l’université de Nottingham. Si le risque est plus faible, cela signifierait probablement que les vaccins empêchent la transmission.

D’autres équipes, en Israël, prévoient également d’étudier les foyers dans lesquels un des membres a été vacciné. Si ces derniers sont infectés, les chercheurs pourront étudier la transmission aux autres membres du foyer.

Au Brésil, un essai va distribuer aléatoirement des doses du vaccin de la société chinoise Sinovac aux habitants de la ville de Serrana, par étapes, sur plusieurs mois. Cette approche pourrait montrer si une diminution des cas de Covid-19 dans les régions vaccinées entraîne également une baisse de la transmission dans les zones non vaccinées. Cela permettrait de démontrer les effets indirects des vaccins, explique Nicole Basta, épidémiologiste spécialisée dans les maladies infectieuses à l’université McGill de Montréal, au Canada.

Des études sur des cas individuels et des populations plus importantes seront néanmoins nécessaires pour déterminer précisément dans quelle mesure les vaccins protègent contre la transmission du SARS-CoV-2, explique-t-elle. « Nous avons vraiment besoin de preuves qui couvrent l’ensemble du spectre. »

Smriti Mallapaty

Smriti Mallapaty est journaliste scientifique basée à Sidney, elle couvre l’actualité en science, agriculture et technologie en Asie.

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