Santé

Covid-19 : quelle est la méta-analyse sur l'hydroxychloroquine dont parle le documentaire "Mal traités" ?

Le documentaire complotiste s’appuie sur une méta-analyse qui assure que la majorité des études montrent l’efficacité de l’hydroxychloroquine pour traiter le Covid-19. Ces résultats, qui ont fait le tour des réseaux sociaux, relèvent d'un montage. Décryptage.

Une boîte de Plaquenil, nom commercial de l'hydroxychloroquine.

Damien Meyer / AFP

Une méta-analyse qui n'en est pas une. L'argument principal du documentaire complotiste "Mal traités" est l'efficacité supposée de l'hydroxychloroquine, efficacité qui aurait été cachée par les experts et les autorités scientifiques et sanitaires françaises. Selon le documentaire, les études scientifiques montrant que l'hydroxychloroquine est protectrice devant le Covid-19 pullulent, mais les experts choisissent de ne pas les voir. Pour preuve, les auteurs de "Mal traités" présentent une méta-analyse avec plus de 130 études, dont les trois quarts montreraient cette efficacité. Quelle est cette méta-analyse qui a fait le tour du web ? Décryptage de Sciences et Avenir.

"Sur 136 études, les 3/4 concluent à l’efficacité de l’HCQ pour la Covid-19"

Cette affirmation, qui apparaît à la minute 30 du documentaire, fait référence au site hcqmeta.com, qui assure répertorier toutes les études concernant l'hydroxychloroquine (171 au 16 décembre 2020, selon le site). Il ne s'agit donc pas d'une vraie méta-analyse, mais d'une compilation d'articles avec des méthodes très différentes, qui mesurent des paramètres divers (charge virale, temps d'hospitalisation, mortalité, etc.), rendant impossible l'agrégation des données pour augmenter le pouvoir statistique (le but d'une méta-analyse). Et de ces 171 études, seulement 24 sont des essais cliniques randomisés où la HCQ est comparée avec un groupe contrôle.

De ces 24 études, seulement 3 montrent des résultats statistiquement significatifs, c'est-à-dire que l'immense majorité (21 sur 24) conclut que la HCQ n'est pas plus efficace que le traitement standard. Deux de ces études sont des preprints, donc pas encore publiées dans des journaux scientifiques et pas encore vérifiées par d'autres chercheurs. La seule déjà publiée (Huang et al, Journal of molecular cell biology) n'a pas de vrai groupe contrôle, mais compare les patients traités à l'hydroxychloroquine avec des patients traités avec lopinavir/ritonavir (Ce traitement expérimental a aussi été étudié dans l'essai Solidarity, montrant alors son inefficacité). De cette étude, tout ce qu'on peut dire est que la HCQ semble mieux que le lopinavir/ritonavir, mais cela ne nous dit absolument rien sur son efficacité comparée au traitement standard.

Où l'on passe de 136 études à 2 preprints

Les seules études donc qui montreraient une efficacité de l'hydroxychloroquine sont deux preprints (et non les trois quarts de 136 études, comme affirmait le documentaire). Le premier preprint (Chen, mis en ligne le 22 juin) présente des problèmes méthodologiques qui pourraient expliquer pourquoi il n'est pas encore publié dans un journal scientifique six mois après la mise en ligne du preprint. Il y a très peu de participants (18 dans le groupe HCQ et 12 dans le groupe contrôle), le groupe HCQ est plus jeune que le groupe contrôle (45 contre 51 ans) et compte moins d'hommes (44 % contre 58%), alors qu'on sait que l'âge et le genre sont des facteurs importants (les hommes sont plus touchés par des cas graves de Covid-19). Cependant, on voit beaucoup plus d'effets indésirables dans le groupe HCQ (50 % de participants contre 17 % pour le groupe contrôle), et pas de différence du temps de traitement à l'oxygène ni du temps d'hospitalisation. La fièvre et la toux semblent passer plus rapidement dans le groupe HCQ, mais les auteurs ne parlent que d'une tendance et pas d'une certitude due à la faible puissance de l'essai (car peu de participants). Le seul vrai résultat est une diminution plus rapide de la charge virale dans le groupe HCQ. Ce qui n'est pas suffisant pour conclure que le traitement est efficace, quand l'hospitalisation n'est pas réduite grâce au traitement et qu'en plus il cause davantage d'effets indésirables.

Le deuxième preprint (Chen, mis en ligne le 10 avril, l'auteur est différent du premier preprint malgré l'homonymie) n'a pas encore été publié dans un journal scientifique non plus, neuf mois après la mise en ligne du preprint, probablement à cause de son manque de puissance statistique. Tout comme Hycovid ou Discovery en France, il a dû être arrêté en avance faute de participants, avec seulement 62 patients (d'un total de 300 prévus dans l'enregistrement de l'essai clinique). Son paramètre principal est la disparition de deux symptômes : fièvre et toux. Les auteurs reportent que les personnes traitées à la HCQ voient ces symptômes disparaître un jour plus tôt (2 jours contre 3 pour le groupe contrôle). Or, ils spécifient que 22 patients dans le groupe HCQ avaient de la fièvre et de la toux un jour avant le début du traitement (71 % des participants traités) contre 15 (toux) et 17 patients (fièvre) pour le groupe contrôle (48 % et 55 % respectivement). Donc il est possible que les patients avec HCQ aient vu disparaître leurs symptômes plus rapidement tout simplement parce que leurs symptômes auraient commencé plus tôt. Le seul vrai résultat concerne un des paramètres secondaires, l'état de la pneumonie observé par radiologie, qui semble s'améliorer plus rapidement dans le groupe traité. Mais, comme pour le preprint précédent, l'étude n'est pas assez puissante pour conclure sur une efficacité du traitement.

Bref, cette fausse méta-analyse ne montre pas du tout ce qu'elle dit (que la plupart des recherches prouvent l'efficacité de la HCQ). Cependant, il y a plusieurs vraies méta-analyses sur le sujet, et elles arrivent toutes à des conclusions bien différentes à celle-là : le traitement à l'hydroxychloroquine n'est pas efficace contre le Covid-19 (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12), et ce traitement (avec ou sans azithromycine) entraîne un plus grand risque d'effets indésirables (5, 6, 7, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18).